Benoît Pradeux, Responsable du département Inclusion et Prévention pour le groupe Crédit Mutuel Arkéa, partage dans cette interview les situations de crises auxquelles ses équipes ont été confrontées récemment et quelles actions le Groupe Crédit Mutuel Arkéa a mis en place pour y répondre.
À quelles situations de “crises” avez-vous été confronté en tant que responsable Inclusion et Prévention en 2024 ?
Depuis la crise Covid-19, nous savons que la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est de plus en plus poreuse. Ce constat est déjà, en soi, un challenge pour les équipes RH car c’est une réalité dont nous voulons tenir compte. En tant qu’employeur, nous souhaitons soutenir nos équipes dans toutes leurs dimensions.
En 2024, nous avons également fait face à des situations au sein de l’entreprise susceptibles de générer des traumatismes chez nos collaborateurs.
Premier exemple : le contexte sociétal instable a fait des agences bancaires les cibles de nombreuses violences verbales ou physiques. Certaines agences ont même été brûlées, saccagées, avec des vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Ces actes affectent évidemment nos équipes, qui peuvent se sentir visées, dans leur travail ou en tant qu’individu.
Second exemple : nous avons assisté cette année, tristement, à plusieurs décès brutaux dans les équipes, dont un qui est même survenu sur le lieu de travail, pendant une réunion.
Dans les deux cas, nous savons que ces événements peuvent générer des situations de stress post-traumatique. Nous avons donc déployé un certain nombre d’initiatives pour gérer ces situations de crises, à la fois individuellement et collectivement, dans les jours qui ont suivi les incidents et dans les mois suivants.
Quelles actions avez-vous mises en place pour répondre à ces situations ?
Nous avons essayé d’apporter une réponse complète à ces situations :
Remonter les situations de violence (internes ou externes) : Dans le cas des violences à l’égard de nos équipes en agence, nous avons mis en place un dispositif de fiches-agressions pour que la violence ne soit jamais banalisée. Nous avons également déployé des outils anonymisés de lanceurs d’alerte pour identifier et traiter les situations de harcèlement.
Ne pas minimiser l’impact : la première chose que nous avons martelé auprès des managers et RH de proximité a été de ne pas sous-estimer l’impact de ces événements : ni dans le temps (l’impact peut se révéler dans les jours qui suivent directement ou bien plus tard), ni dans la proximité (que l’on ait un lien direct avec la situation, que l’on soit dans la même équipe ou non, nous ne sommes pas tous touchés de la même manière par un événement selon notre histoire personnelle, notre sensibilité, …). Nous voulons permettre à tous les collaborateurs de se livrer, leur montrer que l’entreprise accepte d’accueillir ces émotions.
Rappeler les ressources existantes : Nous avons beaucoup communiqué sur les ressources à disposition dans l’entreprise, dont le partenariat avec moka.care. Il était important aussi pour nous de rappeler vers qui chacun peut se tourner en cas de difficulté : la médecine du travail, l’assistance sociale, les référents RPS et référents harcèlement. Nous avons aussi un réseau de “Bienveilleurs” (nos lanceurs d’alerte) et, pour notre siège Brestois, une infirmière salariée sur site.
Parler des difficultés collectivement : À chaque fois, nous avons mis en place un accompagnement par un expert, sous forme de groupes de paroles par exemple. J’insiste sur ce point car il est absolument souhaitable que ces moments soient encadrés par un professionnel, qui apparaît comme un tiers de confiance externe à l’employeur. L’impact est différent d’un échange qui serait animé par une personne en interne, par l’équipe RH, il est complémentaire.
Nous sommes un groupe de 11 000 employés avec une grande variété et hétérogénéité de métiers. C’est une difficulté supplémentaire lorsqu’il s’agit de mettre en place des actions de prévention. Voici quelques piliers de notre stratégie :
La formation : On peut difficilement agir en prévention primaire sur les violences externes. Par contre, nous faisons beaucoup de prévention en interne sur les comportements inacceptables pour éviter les situations de harcèlement, par exemple.
Les ambassadeurs terrain : Nous avons créé chez Crédit Mutuel Arkéa une communauté de référents / lanceurs d’alerte que nous appelons les “Bienveilleurs”. Ces personnes sont recrutées par notre équipe et formées deux fois par an par nous et par des professionnels pour détecter et identifier les situations de mal-être. Ces formations combinent : un rappel des bases réglementaires, des conseils de posture et des exercices de mise en situation.
Le temps long et l’approche globale : Libérer la parole prend du temps. Nous encourageons nos équipes à s’informer sur les sujets de santé mentale aussi dans les périodes où cela va bien, en leur fournissant des ressources fiables - comme les contenus de l’application moka.care. On travaille aussi beaucoup sur le sujet de la “santé sociale”, c’est à dire la capacité de chacun à interagir et nouer des relations avec les autres. Ce sujet fait le lien entre les deux champs d’action de notre équipe : la prévention et l’inclusion. Une des thématiques phares autour de laquelle nous travaillons est l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle.
Comment avez-vous porté ces initiatives auprès de votre Direction ? Quels arguments avez-vous utilisé pour convaincre de l’utilité d’agir en prévention ?
Nous avons la chance d’avoir deux dirigeantes très convaincues sur les sujets de santé mentale et d’inclusion. Pour embarquer les décideurs de l’entreprise et les plus réticents, nous rappelons généralement qu’au delà de l’engagement “sociétal”, c’est un enjeu de performance des équipes. Quelques chiffres qui font généralement mouche sont la prévalence des troubles de santé mentale, le coût de l’absentéisme ou du désengagement, le ROI estimé des politiques de prévention.
Quels conseils donneriez-vous aux équipes RH qui souhaitent agir pour la santé mentale de leurs équipes ?
Une des grandes leçons que j’ai apprises, c’est que les équipes RH sont souvent les grandes oubliées des solutions de soutien, notamment lorsque l’entreprise traverse une situation aïgue. En tant que RH, on n’ose pas trop dire qu’on a besoin de prendre soin de nous tout simplement parce que nous avons tendance à croire que “c’est notre job, qu’on gère.
Or, pour prendre soin des autres, il faut d’abord savoir prendre soin de soi. Nous travaillons donc beaucoup en soutien des équipes RH :
Définir les contours du job : Nous rappelons régulièrement aux RH ce qu’est leur rôle, leur périmètre, leurs responsabilités… et ce qui est en dehors. Les équipes RH sont soumises à beaucoup d’injonctions légales, de “vous devez”. Par exemple, lorsque nous avons mis en place moka.care, nos partenaires sociaux étaient méfiants : “vous allez confier la santé de nos collaborateurs à un partenaire externe ?”. Nous avons pris le temps de le rappeler : les RH ne sont pas psychologues. C’est tout à fait normal et même recommandé d’aller chercher une aide professionnelle extérieure pour gérer des situations difficiles !
Mettre un cadre : Il existe quelques bonnes pratiques simples qui permettent de se préserver de la charge émotionnelle de certaines situations. Pour les discussions difficiles par exemple, nous conseillons toujours de donner un cadre à la discussion : rappeler le temps que l’on a, proposer une méthode (écouter d’abord, reformuler ensuite), et surtout se prévoir un sas à l’issue de ces discussions pour décompresser avant d’enchaîner avec une autre réunion.
Oser dire non : Il y a aussi un enjeu de consentement émotionnel : un collaborateur doit pouvoir entendre que ce n’est pas toujours le bon moment pour un RH d’entendre ses problématiques. Il faut oser dire non à l’instant T, proposer un autre moment.
Superviser : Pour la première fois cette année, nous avons mis en place des séances de supervision pour une trentaine de RH. Ces séances de 1h30 sont destinées soit à exprimer une expérience difficile, à se décharger émotionnellement, ou à partager des bonnes pratiques. L’idée est que les RH prennent ce temps et puissent livrer ce qu’ils souhaitent.
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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