Un quart des managers se disent “souvent” ou “toujours” épuisés selon une étude Workforce Institute de UKG. Alors qu’ils doivent impulser la motivation au sein de leurs équipes, comment peuvent-ils gérer ces périodes de “coup de mou” ?
Eulalie, 28 ans, est à la tête d’une équipe de 4 personnes dans une agence de communication. Fin 2022, alors que son entreprise enregistre une grande vague de départs en interne, elle se retrouve dans un état de grande fatigue. “Nous avions moins de ressources mais toujours autant de clients dans le pipe”, explique-t-elle. Dans son agence, tout le monde commence à tirer la langue, et elle ne fait pas exception. Son corps accuse le coup : elle maigrit à vue d'œil. “Ce qui était difficile, c’est qu’il fallait que je m’occupe de la charge mentale de mon équipe avant de prendre soin de la mienne, alors qu’elle était bien saturée”, nous confie la jeune femme. Prenant son rôle à cœur, elle tente de protéger son équipe, jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de la nécessité d’alerter la Direction sur son propre cas. Son entreprise organise alors une journée off pour tous les collaborateurs, mais même si cette parenthèse est appréciée de tous, elle ne solutionne aucunement le problème en profondeur.
Depuis la pandémie, toutes les études démontrent que les managers sont particulièrement éreintés. “Toutefois, il n’existe pas de consensus scientifique qui permette de décrire cet état de fatigue managériale, d’autant que la fatigue est très subjective et multidimensionnelle”, souligne Louise Pereira, psychologue référente chez moka.care. Selon notre spécialiste, l’état de fatigue managériale peut se traduire par une multitude de symptômes : par exemple, le manager est plus irritable, ses temps de repos ne sont plus aussi réparateurs qu’ils pouvaient l’être, il a du mal à prendre des décisions, à se concentrer, et peut ressentir du stress. Toutefois, à la différence du burn-out, le manager n’éprouve pas un état de dépersonnalisation (ou cynisme) et une baisse de l’accomplissement personnel.
Cette fatigue managériale peut provenir de facteurs personnels, qui n’ont pas trait au travail, ou au contraire être causée par la fonction en elle-même, mais bien souvent il s’agit de l’interaction entre des facteurs personnels et professionnels. Au cœur des difficultés ? “Le manager doit jouer son rôle auprès de son équipe, tout en tenant ses propres objectifs opérationnels, ce qui peut facilement entraîner une charge intense et de la pression”, relève notre psychologue. Une mauvaise répartition de la charge de travail, une culture organisationnelle qui n’apporte pas de soutien, un désalignement avec les prises de position stratégiques… tout cela peut générer un conflit de valeurs et déclencher des situations à risques pouvant mener à une fatigue chronique qui ne pourra pas rester invisible aux yeux de l’équipe.
Pour Betsy Parayil Pezard, CEO de Connection Leadership, la thématique de la fatigue managériale mérite que l’on prenne encore plus de hauteur en la liant à l’accélération générale de notre société. Car aujourd’hui, on n’a plus le temps pour grand chose, pas même pour réfléchir aux sujets de fond, si importants pour demain. “On ne peut accélérer que si on priorise. Or, beaucoup de managers se retrouvent à devoir rendre des comptes sur une multitude de sujets de transformation, même si en théorie, on leur demande de se concentrer sur certains d’entre eux”, relève la spécialiste. Un bon exemple d’injonction paradoxale.
De plus, avec la digitalisation croissante, l’acronyme ATAWAD, “Any Time, Any Where, Any Device” prend tout son sens : nous voulons tout, tout de suite, et gérons de plus en plus mal la frustration. Or, toutes les interfaces digitales que nous utilisons ne tiennent pas encore leurs promesses, pouvant créer une insatisfaction chez les clients qui va irrémédiablement se répercuter sur le manager in fine. Notre interlocutrice souligne aussi l’impact de la financiarisation croissante des sociétés qui empêche de raisonner en partant de l’activité et de l’humain, créant toujours plus de pression. “Ce cercle vicieux engendre inévitablement du stress et de la fatigue qui se répercutent sur le corps à travers un système physiologique mal régulé”, affirme Betsy Parayil Pezard.
L’entreprise a ici un rôle clé pour agir en prévention de la fatigue managériale, et plus largement de toutes situations professionnelles pouvant amener à une fatigue chronique chez les collaborateurs. Promouvoir la transparence dans les équipes sur les facteurs de stress, les processus qui pourraient dysfonctionner ou encore les moments de fragilité personnelle est une première étape clé.
Un premier conseil pouvant être partagé aux managers mais aussi aux collaborateurs non-managers, est de communiquer à sa hiérarchie et/ou aux Ressources Humaines sur son état de fatigue et les facteurs qui y contribuent. Cela permettra d’ouvrir un espace de dialogue et de réflexion sur les solutions pouvant être apportées pour traverser cette période le plus sereinement possible. “C’est aussi une manière d’éclairer de potentielles situations à risque afin de mettre en place des actions de prévention qui seront utiles à l’ensemble des collaborateurs”, affirme Louise Pereira.
Outre une approche systémique qui ne pourra se faire qu’à l’échelle, nos trois interviewées soulignent l’importance de ne pas être dans le déni et d’agir en conséquence. “Plutôt que de faire semblant, il me semble plus adéquat de communiquer avec son équipe sur ce que l’on ressent, sans forcément partager en détail les causes de cette fatigue”, recommande Louise Pereira. Démontrer sa propre vulnérabilité, c’est aussi créer un climat de confiance et de transparence qui inspirera les collaborateurs à se confier lorsqu’eux-mêmes traverseront des moments de fragilité.
Vivre une période de fatigue managériale peut aussi être une bonne occasion d’autonomiser encore davantage son équipe. “Parfois, on pourra passer le relai sur certains sujets en nommant un référent sur un projet par exemple”, recommande Louise Pereira.
Savoir dire non sans crainte, poser des limites, c’est aussi un beau cadeau que l’on offre aux autres collaborateurs. “À un moment, quand on est au bout du rouleau, il ne faut pas juste se mettre en télétravail mais avertir la médecine du travail et s’arrêter le temps nécessaire. Sans cela, on n’aide jamais son entreprise à aller au-delà des mesures pansement”, affirme Eulalie. Connaître ses limites pour ensuite mieux pouvoir les poser est donc primordial afin d’écouter son corps avant qu’il ne lâche.
“Chacun est responsable de sa propre santé mentale”, lance Eulalie. Betsy Parayil Pezard estime elle-aussi que le manager sera bien aidé s’il prend du recul sur sa propre situation, sait se faire accompagner et comprend ce qui lui apporte un réel bien-être dans sa tête et dans son corps (faire du sport, voir sa famille, méditer…). “Le travail des managers est de mettre les valeurs au bon endroit alors que notre culture de la consommation nous pousse à mettre le travail au centre de tout”, résume-t-elle.
Car oui, le manager peut pousser toujours plus loin ses limites, mais arrive un moment où le corps et le cerveau ont leurs propres réalités physiologiques. “Il est essentiel de ne pas être un instrument de ce système mais un porteur de solutions. C’est souvent en respectant les limites qu’on fait revue de davantage de créativité et qu’on imagine de nouveaux systèmes, plus vertueux”, conclut la CEO de Connection Leadership.
Paulina Jonquères d'Oriola
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