Pour Hugo Perrier, la performance économique et le bien-être des collaborateurs ne s’opposent pas. Au contraire.
Fort d’une expérience de dix années passées dans de grands groupes (chez L’Oréal et chez LVMH), Hugo Perrier a rejoint l’entreprise Partoo il y a 3,5 ans comme Directeur des Ressources Humaines. Il promeut une culture de la “performance durable”, auprès des équipes et des dirigeants.
Dans cet entretien, il partage sa vision d’une performance durable et les leviers concrets d’action qu’il a identifiés pour l’atteindre.
Tu parles de “performance durable”. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour toi ?
La performance durable, c’est une performance qui s’appuie sur trois piliers : la performance financière, la capacité d’innovation et le respect de l’humain.
Mon rôle, en tant que RH, c’est de réconcilier ces trois dimensions et ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Il faut du temps. On a tendance parfois à se moquer de la lenteur des grands groupes. Or ce temps long est souvent nécessaire pour que les transformations soient réellement acceptées, infusées dans les équipes.
L’année dernière, on a connu de grosses transformations, très rapides. Ça a eu un impact fort sur le bien-être des équipes, et on a vu le eNPS chuter. Or, on en connaît les conséquences : plus d’absentéisme et plus d’attrition. Nous savons que ce n’est pas soutenable. On ne peut pas dire “tant qu’on fait du profit, tout va bien”, si dans le même temps, les équipes vont mal.
C’est mon rôle en tant que DRH de sensibiliser les dirigeants aux risques humains.
Comment embarquer les dirigeants dans cette démarche ?
C’est un vrai sujet. Il faut se mettre dans la peau du CEO, comprendre ses leviers. Certains dirigeants ont avant tout envie de construire un projet qui fonctionne, avec un vrai succès économique. Et cette ambition est parfaitement légitime.
En tant que RH, à nous d’arriver avec pédagogie. Il faut parler le même langage, et relier les enjeux de bien-être aux enjeux de performance économique. Nous suivons des indicateurs, les mesurons régulièrement et en tirons des plans d’action concrets. Nous ne restons pas dans le constat, nous agissons.
Je suis fier d’avoir réussi à imposer, chez Partoo, le eNPS comme un de nos indicateurs clés, qui est regardé et pris en compte dans chaque réunion stratégique.
Mon rôle, c’est aussi de mettre en lumière les risques humains. Parfois, ça veut dire dire au CEO : “Ce changement risque de faire partir 15 personnes clés”. On place alors la vulnérabilité au cœur de la réflexion, comme un outil de pilotage stratégique. Les dirigeants connaissent les personnes clés dans leur organisation, c’est souvent un argument qui les touche directement et les aide à visualiser le risque.
Enfin, dans la même veine de cette pédagogie et de cette empathie pour les dirigeants, c’est de connecter ces enjeux humains à des priorités qui parlent au dirigeant, qui lui tiennent à cœur. Chez Partoo, par exemple, la dimension environnementale est très forte : ça nous a permis de relier cette responsabilité à d’autres enjeux de durabilité comme la diversité ou la culture d’entreprise.
Comment cette vision se traduit-elle concrètement dans votre stratégie RH ?
Chez Partoo, on a identifié trois grands axes d’action :
Tu dis que le feedback est un des trois piliers de la performance durable chez Partoo. Pourquoi ce sujet est-il si central selon toi ?
Parce que c’est souvent là que tout se joue. On a la chance chez Partoo d’avoir une très forte convivialité : les collaborateurs aiment sincèrement leurs collègues, il y a une vraie bienveillance. Mais justement, ce climat freine parfois la franchise. Les managers évitent les conversations difficiles, manquent parfois de “courage managérial”. Résultat : des managers appréciés humainement, mais qui n’inspirent pas toujours confiance professionnellement.
À force de vouloir éviter les feedbacks négatifs dans le quotidien, la période des entretiens annuels cristallisait beaucoup de frustrations. C’était le seul moment où on partageait des pistes d’amélioration, et c’était difficile à vivre mentalement pour les équipes. Cela générait beaucoup d’incompréhension, de déception.
Je rejoins tout à fait Hugo sur cette observation. Je pense que, pour quasiment 90% des patients qui me consultent, le facteur déterminant de la consultation a été leur entretien annuel. On sait en tant que psychologue à quel point la reconnaissance est importante. C’est ce qui nous nourrit. Un entretien annuel dans lequel on se voit reprocher des choses qui datent de plusieurs mois, qui n’ont jamais été mentionnées avant, est vraiment néfaste. Certains s’écroulent complètement.”
Sylvie Chauvin, psychologue à mi-temps chez Moka.Care et en libéral, spécialisée dans l’accompagnement du burnout
Comment avez-vous travaillé pour faire évoluer cette culture ?
On a décidé d’agir à plusieurs niveaux.
Et comment vous assurez-vous que ces pratiques s’installent durablement ?
On a mis en place plusieurs choses. Déjà, on suit les entretiens trimestriels sur Lucca, notre outil RH. Ce n’est pas imposé, mais valorisé en interne. Et on sent que ça prend mieux comme ça.
On a aussi créé un NPS du feedback, pour mesurer la qualité perçue des échanges. Et on parle beaucoup des quatre actions clés du feedback : demander, recevoir, donner, refuser. C’est simple, mais ça aide à ancrer les bons réflexes.
Dans mon équipe, on a même ritualisé la minute de “mood” en point hebdomadaire. C’est obligatoire. Même si on a des décisions à prendre, on commence toujours par : “Comment tu te sens ?”. C’est devenu un réflexe. Parce qu’on ne peut pas faire du bon feedback si on ne sait pas comment l’autre va, là, maintenant.
Vous avez vécu récemment des transformations importantes chez Partoo. Qu’est-ce que vous en retenez, en tant que DRH ?
L’année dernière, on est entré dans une nouvelle phase dans l’univers de la Tech et des start-ups, avec des objectifs de rentabilité plus exigeants. C’est un changement de paradigme. On est passés d’une logique d’hypercroissance à une logique d’optimisation : prouver qu’on peut être rentables avec les ressources existantes.
Chez Partoo, on a lancé beaucoup de projets de transformation, rapidement et sans toujours anticiper comment les vivre humainement. On n’avait pas encore pleinement intégré la conduite du changement dans notre façon de faire.
Comment avez-vous structuré cette approche depuis ?
On a fait un vrai travail pour définir ce qu’est, pour nous, une conduite du changement. On a différencié ce qui relève d’un projet d’entreprise et ce qui est une transformation.
Aujourd’hui, on suit une méthode en quatre temps :
Et surtout, on implique au maximum les managers et les élus du CSE à chaque étape. On les forme, on les outille, on les responsabilise. Ce sont eux les meilleurs relais et les meilleurs échos du terrain.
Cette méthode a un double intérêt :
Tu évoques souvent la santé mentale comme un facteur clé de transformation. Par où commencer ?
Quand on parle de performance durable, la santé mentale fait nécessairement partie de l’équation. Chez Partoo, nous avons structuré notre politique RH autour de trois piliers qui ont tous un lien avec la santé mentale :
Pour la mettre en oeuvre concrètement, on a travaillé sur plusieurs niveaux :
Comment fais-tu pour que tes collaborateurs se saisissent de ces ressources ?
Effectivement, l’enjeu est d’embarquer l’ensemble des collaborateurs. Pas que les managers, pas que les équipes RH. Notre objectif est que chacun puisse remonter une situation de détresse, et sache vers qui ou quelle ressource se tourner.
On s’appuie beaucoup sur le partenariat avec Moka.Care : on a mis des affiches un peu partout dans les bureaux, on en parle dans les rituels et les réunions d’équipe.
À mes yeux, moka.care est bien plus qu’un outil de soutien psychologique. C’est un vrai outil d’harmonie organisationnelle. J’aurais envie que Moka.Care devienne une sorte de Strava de l’hygiène mentale. On a pris l’habitude d’utiliser Strava pour l’hygiène sportive, Yuka pour l’hygiène nutritive… Je suis convaincu que la santé mentale doit devenir une habitude tout aussi fréquente. Plus c’est intégré au quotidien, plus c’est accessible quand on en a un besoin aigü.
On essaie vraiment de déstigmatiser la santé mentale et de l’ancrer dans les habitudes de chacun :
Un dernier conseil pour les équipes RH ?
C’est essentiel qu’en tant que RH d’avoir aussi des espaces pour nous et que l’on se sente bien. Je m’assure que le NPS de mon équipe RH soit encore meilleur que celui de l’organisation. Car ce sont eux qui doivent soutenir les autres. On représente peut-être 3 à 5 % de l’entreprise, mais on est là pour impulser un mouvement collectif.
Et j’ai appris, à titre individuel, que je ne peux pas le faire seul. J’ai vite recruté une équipe autour de moi.
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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