En France, 150 000 personnes exerçant une activité professionnelle apprennent chaque année être atteintes d’un cancer. Mais
quel rôle peuvent jouer les RH et les managers auprès de ces collaborateurs lorsqu’ils reviennent dans l’entreprise ? Et s’il s’agissait d’une opportunité unique de faire vivre - pour de vrai - les valeurs de l’entreprise ?
En 2023, 430 000 personnes apprenaient être atteintes d’un cancer, dont 40% étaient en activité professionnelle au moment du diagnostic selon l’INSERM. “C’est forcément une question à laquelle tout DRH sera un jour confronté”, introduit Léna Basile, DRH à temps partagé. Pour autant, aussi délicate soit cette mission, il n’existe pas de mode d’emploi préétabli pour accompagner au mieux un collaborateur touché par la maladie. “Peu d’entreprises ont une ligne budgétaire consacrée à ce sujet, même si pour ma part, j’ai pu compter sur une politique structurée lorsque j’étais en poste au sein du groupe BPCE notamment”, nous explique notre interlocutrice.
Mieux soutenir les entreprises dans leur approche du cancer, c’est justement le combat de Nathalie Vallet-Renart, cofondatrice de l’association Entreprise et cancer. Car elle en est convaincue : le maintien et le retour au travail des personnes touchées par le cancer fait partie de la voie de la guérison, et s’avère aussi essentiel pour faire vivre l’entreprise dans toute son humanité.
Entre la fatigue, les atteintes cognitives et les craintes viscérales liées au cancer, la maladie met à l’épreuve la santé mentale des collaborateurs, y compris lorsqu’ils reviennent au bureau, et bien après.
- Des questions existentielles
“Aucun collaborateur qui traverse la maladie ne se ressemble. C’est la première chose que doit comprendre un manager. D’ailleurs, les besoins de ce collaborateur peuvent changer d’un jour à l’autre, selon son état de forme”, souligne Nathalie Vallet-Renart. Mais une chose est certaine : le cancer, c’est la possibilité de la mort. Cela suscite des questions existentielles et la crainte farouche que la maladie revienne frapper à nouveau, même en cas de rémission. Les périodes de contrôle sont particulièrement stressantes, et provoquent souvent une sensibilité accrue voire une irritabilité parfois incomprises quand l’entourage professionnel du collaborateur n’est pas au courant.
- Des séquelles cognitives tenaces
Ainsi, même lorsque le traitement est terminé et que le collaborateur peut revenir au travail, les difficultés ne s’arrêtent pas là. “Il y a souvent une ambivalence chez ces collaborateurs : une envie de revenir au travail, et en même temps, de vraies craintes car les effets des traitements persistent très longtemps”, poursuit-elle. En effet, 63,5% des personnes souffrent de séquelles dues au cancer ou à ses traitements jusqu’à 5 ans après le diagnostic.
- Une diminution de la productivité
Ces séquelles impliquent une grande fatigue mais aussi des troubles cognitifs souvent méconnus, comme des difficultés de concentration, de mémorisation et d’apprentissages… autant d’éléments qui peuvent venir affecter la santé mentale des collaborateurs, et qui, s’ils ne sont pas expliqués, peuvent créer une forme de lassitude au sein du reste de l’équipe ou chez le manager. “Même quand une personne revient en mi-temps thérapeutique, elle ne peut pas abattre 50% de son travail d’autrefois. Et ça, tout le monde n’en est pas conscient”, pointe notre interlocutrice.
Parce qu’il est en contact étroit avec le collaborateur, le manager a un rôle de premier plan à jouer.
- Faire des points réguliers et factuels
“Souvent, les collaborateurs touchés par la maladie s'attendent à une compréhension naturelle et intuitive de la complexité de leur situation, ce qui n’est souvent pas le cas et peut créer du désarroi”, souligne Nathalie Vallet-Renart. Alors, elle préconise des points réguliers lors des 8 premières semaines autour de ces simples questions : Comment tu te sens ? Comment cela se passe dans ton job ? Donne-moi un exemple de ce qui va, et de ce qui ne va pas ? Que puis-je faire pour toi ? “Le but est d’être le plus factuel possible. C’est en libérant la parole qu’on peut trouver les bons aménagements”, poursuit notre interlocutrice.
- Passer du temps ensemble
Pour éviter les malentendus pouvant être perçus comme une forme de brutalité, Nathalie Vallet-Renart recommande de permettre à toute l’équipe de se retrouver au moins une fois par semaine, afin de partager des temps informels qui sont généralement une source d’informations précieuse sur la santé mentale du collaborateur. “J’invite le manager à prêter attention à ce qui se dit à la machine à café. Il y a des choses qui ne se partagent que lorsqu’on est ensemble physiquement. Et puis, engager le collaborateur à revenir au bureau, c’est aussi l’aider à retrouver sa place. Il arrive que les équipes ne sachent même pas que leur collègue est retourné au bureau”, analyse la fondatrice d’Entreprise et cancer.
- Moduler la charge de travail
Aucun collaborateur traversé par le cancer ne revient en pleine possession de ses moyens. “L’objectif de l’entreprise est de l’aider à remonter en puissance mais sans le presser bien entendu”, recommande Nathalie Vallet-Renart. Cela passe donc généralement par un aménagement de poste, souvent en concertation avec le médecin du travail qui valide la reprise du travail.
- Se montrer soutenant
Comme nous l’avons vu, les examens de contrôle sont souvent extrêmement angoissants pour les collaborateurs. “Je recommande donc au manager de demander à peu près à quelle période ces examens ont lieu afin de renforcer sa compréhension et son attention à l’égard du collaborateur”, ajoute notre interlocutrice.
Parce qu’il s’agit souvent de la première (voire l’unique) personne de l'entreprise à qui le collaborateur malade va se confier, le RH a lui-aussi une grande partition à jouer.
- Accueillir la nouvelle
Lorsqu’un collaborateur apprend sa maladie, il n’est pas tenu d’expliquer les raisons de son arrêt à son entreprise. Toutefois, il n’est pas rare qu’il se confie aux RH. Sa posture externe à l’équipe, tel un tiers, peut s’avérer rassurante dans ces moments délicats car certains collaborateurs peuvent avoir peur d’être mis à l’écart en parlant de leur maladie. “J’ai vécu ce cas de figure avec une collaboratrice. En revanche, j’avais presque les larmes aux yeux quand elle me parlait. Je crois que c’est important d’accueillir la nouvelle avec un maximum d’écoute. Mais il faut aussi conserver sa neutralité. De mon côté, je sais que ma formation en intelligence émotionnelle m’a grandement aidée”, affirme Léna Basile.
- Renvoyer vers les bonnes ressources
En d’autres termes, le RH ne doit pas se positionner en sauveur mais fournir au collaborateur les bons outils : des cercles de parole, des réseaux d’association, une psychologue interne ou un référent externe, mais aussi une assistante sociale. “Bien sûr, en tant que RH, il faut aussi s’appuyer sur le médecin traitant, le médecin du travail et des organismes comme les organismes de prévoyance qui offrent des ressources dans ces cas de figure”, poursuit la DRH à temps partagé.
- Mener un entretien mensuel
Outre l'entretien avec le manager, Nathalie Vallet-Renart voit d’un bon œil un entretien mensuel des RH avec le collaborateur lors de son retour au travail. “Les RH peuvent apporter un autre regard, alors que celui des managers est souvent plus centré sur la performance. Ils offrent un espace de dialogue sécurisé en surplomb, et peuvent ensuite agir auprès du manager et des équipes si nécessaire”, affirme-t-elle.
- Aller au-delà de la loi
Lors de son retour au travail, le collaborateur passe au préalable par la médecine du travail qui proposera ou non des aménagements de poste : mi-temps thérapeutique, télétravail etc. L’entreprise ne peut pas s’y opposer bien entendu, mais surtout, elle peut devancer certaines demandes et aller au-delà de ce qui est prévu par la loi, en proposant un maximum de flexibilité (par exemple, permettre à l’employé de se rendre sans encombre à ses rendez-vous médicaux qui ne sont pas tous prévisibles), ou encore un maintien à 100% du salaire initial, au-delà des plafonds de la sécurité sociale.
En outre, la santé mentale passe aussi par un soutien d’ordre matériel pour limiter la charge mentale : “le DRH peut renvoyer vers une assistante sociale ou un responsable QVCT pour monter un dossier de RQTH temporaire, ou encore aller solliciter des aides externes pour aménager le poste comme avec l'Agefiph. Son rôle est aussi d’aller regarder ce que propose l'organisme de prévoyance de l’entreprise (maintien de salaire, soutien psychologique), voire le psychologue du travail, et de respecter les accords de branche et la convention collective”, affirme Léna Basile.
Accompagner comme il se doit un collaborateur touché par la maladie, c’est aussi augmenter la cohésion de l’équipe, l’attractivité, la fidélité, le sentiment d’appartenance à l’entreprise, y compris pour les autres membres de l’équipe. “C’est une manière de mettre en œuvre de façon opérationnelle les valeurs de l’entreprise par l’attention que l’on porte aux autres. C’est aussi valoriser le collaborateur qui revient, même si ce n’est qu’à 30%. Cela a de la valeur”, soutient Nathalie Vallet Renart.
Et de conclure : “Ces situations vont être de plus en plus fréquentes. On ne peut donc pas passer à côté. C’est l’occasion de faire le bien autour de soi, y compris en tant qu’entreprise. Il faut aussi voir qu’en se montrant soutenant, on aide quelqu’un… qui nous aidera à son tour”.
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