Qu’elle soit interne ou externe, sanitaire, économique ou politique, les crises jalonnent la vie des entreprises. Les gestions des crises sont des périodes de fortes tensions pour les équipes RH qui se retrouvent souvent en première ligne. La gestion de crise, un défi complexe et incontournable, questionne autant les ressources humaines que les capacités organisationnelles d’une entreprise. Une crise ne se limite pas à ses impacts visibles : elle touche profondément les humains qui composent l’organisation, laissant des traces sur leur bien-être et leur engagement. Comment anticiper ces défis, tout en positionnant les RH comme un pilier stratégique humain ? Et quelles solutions mettre en place pour soutenir efficacement les collaborateurs ? On en parle avec Caroline Diard, professeur-associée au sein de TBS Éducation, ainsi que Stéphanie Carlucci et Léna Basile, toutes deux DRH externalisées et spécialistes de la gestion de crise.
“Une crise est un événement incertain qui se produit soudainement, et qui va perturber l’organisation de l’entreprise dans toutes ses dimensions”, explique Caroline Diard, Professeure-associée au sein de TBS Education. Une crise peut être de nature variée (humaine, économique, etc), mais à chaque fois, elle menace l’équilibre et la pérennité de l’entreprise.
En tant qu’ex DRH, Caroline Diard a eu maintes fois à gérer ce type d’imprévu. Alors qu’elle était dans une entreprise de la biotech, la canicule de 2003 a engendré des pannes dans les laboratoires, avec des milliers de cellules sur le point de mourir, menaçant la pérennité de l’activité. Plus tard, le PDG de son entreprise est décédé ce qui a engendré de nombreuses difficultés, non seulement humaines mais aussi techniques. Puis il y a eu le SRAS et la constitution d’un stock de masques FFP2 (bien avant la Covid-19), qui lui ont valu des nuits blanches. “Dans ces moments, le rôle d’un RH n’est pas de prévoir la crise mais la réponse à la crise pour assurer un plan de continuité d’activité”, assure notre interlocutrice.
Stéphanie Carlucci, DRH externalisée, a elle aussi vécu des périodes mouvementées comme par exemple un incendie sur un site industriel engendrant un arrêt de la production et des collaborateurs en état de choc.
“Mais la crise peut aussi être quelque chose de positif, comme une phase d'hyper croissance avec l’arrivée de centaines de collaborateurs”, ajoute-t-elle. D’ailleurs, par choix, la DRH externalisée a fait de la gestion de crise sa spécialité.
“Notre rôle est d’assurer la sécurité physique et psychologique des employés, ainsi que la pérennité de l’activité”, résume-t-elle. Pour ce faire, la DRH joue le rôle de cheffe d’orchestre et doit :
- jongler entre la direction, les collaborateurs, les acteurs institutionnels ou encore les représentants du personnel
- résoudre le problème de la crise ou a minima assurer la continuité de l’activité de l’entreprise
-communiquer, à l’interne et/ou à l’externe
Ces enjeux de communication, Léna Basile, ancienne collaboratrice d’une filiale d’EDF et Total Énergie dans les DROM-COM, les a régulièrement affrontés. « L’entreprise représentait ces deux grands groupes sur ces territoires, elle était donc scrutée de près, notamment par les médias lors de situations de crise », se remémore-t-elle. En cinq ans, elle a dû gérer plusieurs incidents majeurs, tels qu’un incendie, des accidents corporels sur le lieu de travail et une grève. « Lors de la première crise, je n’étais pas suffisamment préparée. Après cet épisode, j’ai proposé au directeur général que l’ensemble de la cellule de gestion de crise soit formée chaque année et que nous structurions nos procédures », confie-t-elle.
1. Se former à gérer la communication en temps de crise
Initiée aux outils de gestion de crise et au média training, Léna est devenue une interlocutrice clé. Elle assurait le lien entre collaborateurs, actionnaires en interne, et médias en externe. « L’usage des bons canaux, du bon wording, et la fréquence des communications doivent être soigneusement réfléchis. Il est crucial de donner des informations en temps réel tout en rassurant ses interlocuteurs. Partager des données confidentielles ou alarmistes peut rapidement aggraver la situation. De plus, il faut adapter sa communication à chaque public pour éviter de mettre en difficulté la ligne managériale », analyse-t-elle.
2. Définir des procédures et une gouvernance de crise
Pour mieux se préparer, Léna et son équipe dirigeante ont mis en place des mises en situation régulières afin de tester et d’améliorer les protocoles. Chaque simulation était suivie d’un retour d’expérience détaillé. « L’anticipation est clé pour gérer les urgences, tout comme la sensibilisation peut l’être sur d’autres thématiques, comme le harcèlement sexuel », souligne-t-elle. Caroline Diard, experte en gestion RH, abonde dans ce sens : le « knowledge management » et des processus bien définis jouent un rôle central pour éviter les ruptures organisationnelles.
3. Cartographier les risques et envisager des scénarios
Au-delà de la formation, la rédaction de plans de continuité d’activité (PCA) est un élément essentiel. « Pour éviter d’aller droit dans le mur, il faut prévoir des solutions de secours. Par exemple, après le décès de notre PDG, nous avons instauré un système de double signature pour garantir la continuité des opérations », explique-t-elle. Cartographier les risques permet également de prioriser les ressources et d’anticiper les réactions à des scénarios variés, qu’il s’agisse de crises opérationnelles, humaines ou externes.
Pour anticiper les risques, on peut utiliser la cartographie des risques. Celle-ci consiste à identifier, analyser, évaluer et visualiser les différents types de risques auxquels une organisation, une entreprise, ou une collectivité peut être confrontée. L’objectif principal est de fournir une vue d’ensemble des risques pour mieux les prévenir et les gérer. Voici différents types de risques à prendre en considération :
En période de crise, les équipes RH jouent un rôle pivot, souvent sous une forte pression.
« Le rythme est extrêmement soutenu. Il faut agir vite, tout en réfléchissant rapidement pour analyser les risques et gérer les priorités. Cela nécessite beaucoup de sang-froid, de courage et une capacité à prendre des décisions », observe Stéphanie Carlucci. Si cette adrénaline peut être stimulante pour certains, comme cette DRH externalisée qui apprécie être sur le terrain et en interaction permanente avec les parties prenantes, ces situations peuvent aussi devenir pesantes. C’est là que l’apport d’une personne extérieure, capable de prendre du recul émotionnel, peut s’avérer précieux.
Les crises sociales, notamment, peuvent mettre les RH en première ligne, parfois même sous les projecteurs des critiques. C’est ce qui a particulièrement marqué Caroline Diard : « J’ai dû exécuter deux fois des plans de licenciements collectifs. Devoir garder le silence dans certaines situations est compliqué, tout comme les injonctions paradoxales que l’on subit dans ces moments-là. Il a été très difficile humainement de gérer la crise et les tensions internes. » Ces crises, souvent étalées sur plusieurs mois, demandent une résilience particulière de la part des équipes RH.
Face à cette réalité, il est essentiel pour les RH de prendre soin d’eux-mêmes. « Tous les conseils que je prodigue, je me les applique à moi-même : manger trois fois par jour, faire du sport et dormir suffisamment pour être en mesure de prendre le recul nécessaire », partage Stéphanie Carlucci. L’importance de ne pas rester isolée est également soulignée par Léna Basile : « Si c’était à refaire aujourd’hui, je m’entourerais davantage de mes pairs à travers des cellules de co-développement, des associations ou des groupes de parole. » Elle insiste aussi sur le fait de mettre son ego de côté : « Il faut oser solliciter son manager, même s’il s’agit du DG. Pendant longtemps, je me suis placée en posture de sachante, alors qu’en tant que DRH, on a aussi le droit d’être aidée. »
Caroline Diard ajoute qu’il est crucial de savoir déléguer à la Direction certaines responsabilités : « C’est tout de même le rôle d’une Direction générale et d’un comité de direction de savoir garder la tête froide dans ces situations. Le DRH n’est pas seul. » Elle recommande également de s’appuyer sur un risk manager, une fonction dédiée à la gestion des risques dans les grandes entreprises, qui peut être une ressource clé.
Les RH ne peuvent pas tout gérer seuls. En s’entourant de pairs, en sollicitant l’aide de la Direction et en s’appuyant sur des experts, ils peuvent non seulement mieux faire face aux crises imprévisibles, mais aussi préserver leur propre équilibre. Après tout, leur rôle pivot dans l’entreprise dépend aussi de leur capacité à se protéger et à rester résilients.
Outre leur propre bien-être, les RH doivent aussi veiller à soutenir leurs équipes, qui sont souvent directement impactées par les crises. Pour ce faire, plusieurs approches peuvent être mises en place :
Proposer un soutien psychologique individuel ou collectif
En période de crise, l’écoute et le soutien sont essentiels. Les RH peuvent collaborer avec des psychologues ou des coaches spécialisés pour offrir des séances individuelles ou des groupes de parole. Ces espaces permettent aux collaborateurs d’exprimer leurs émotions, de partager leurs expériences et de trouver un soutien moral face à l’incertitude.
Communiquer de manière transparente et régulière
Une communication claire et rassurante est cruciale pour réduire l’anxiété des équipes. En partageant des mises à jour fréquentes sur la situation, les RH peuvent aider à diminuer les rumeurs et les incompréhensions, tout en réaffirmant les priorités de l’entreprise.
Mettre en place des actions concrètes pour soulager les collaborateurs
Par exemple, proposer des horaires flexibles, accorder des congés exceptionnels ou organiser des moments de décompression, comme des pauses bien-être ou des ateliers collectifs, peut faire une grande différence.
Identifier et accompagner les managers
Les managers de proximité jouent un rôle clé dans le relais des informations et le soutien des équipes. Les RH peuvent les former pour les aider à repérer les signaux de détresse chez leurs collaborateurs et à adopter les bonnes pratiques de gestion en période de tension.
Créer un environnement inclusif et bienveillant
Enfin, les RH doivent s’assurer que chaque collaborateur se sente soutenu, peu importe son rôle ou son niveau hiérarchique. Une culture d’entreprise forte et solidaire permet de surmonter les crises plus efficacement.
Le conseil de Sylvie Chauvin, psychologue référent pour moka.care :
“Les RH ne sont souvent pas formés à la gestion de crise, et se retrouvent en première ligne à prendre à bras le corps une multitude de sujets. Je pense qu’ils gagneraient à être
eux-mêmes supervisés, comme le sont les psychologues par exemple. Il s’agit d’un moyen de se décharger émotionnellement des difficultés auxquelles on est confronté et de partager avec d'autres personnes pour avoir des conseils. Souvent, le RH ne profite pas du soutien apporté par une cellule de crise. Il y envoie tout le monde, mais, lui, n’y va pas. Pourtant, les RH gagneraient vraiment à parler de leurs propres émotions à d’autres professionnels”.
Paulina Jonquères d'Oriola
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