Parce qu’elle est encore largement perçue comme un signe de faiblesse, la vulnérabilité n’a généralement pas droit de cité sur le lieu de travail. Pourtant, ne serait-il pas grand temps de repenser cette notion et de reconnaître qu’elle est avant tout inhérente à notre condition humaine ?
Par essence, se sentir vulnérable, c’est être exposé et démuni, car privé de ses défenses habituelles. “C'est un état où l'on peut se sentir menacé, susceptible d'être blessé par les autres”, décrit Camille Sfez, psychologue clinicienne et autrice de l’ouvrage “Vulnérable, S’émerveiller d’une sensibilité retrouvée” (Leduc, 2021). Outre les problèmes personnels que chaque travailleur peut traverser dans sa vie intime - et qu’il n’est pas possible de planquer dans un coin de son coeur une fois au travail - certaines situations professionnelles peuvent mener les collaborateurs à se sentir vulnérables comme lorsqu’il s’agit de demander une augmentation, prendre la parole en réunion ou travailler dans un climat de doute qui ébranle la confiance en soi.
Bien que la vulnérabilité soit une composante de notre condition humaine - nous sommes tous vulnérables face à la Nature et aux problèmes de santé - elle n’est pourtant pas tolérée en entreprise. Pourquoi ? Tout simplement car la vulnérabilité est souvent associée à la faiblesse. “Or, la fragilité évoque un manque de compétence, de force, ou l’incapacité à prendre des décisions. Comme si la vulnérabilité n’était pas compatible avec la productivité et la performance”, suggère Paula Calado, psychologue au sein de moka.care. Une perception erronée qui peut être particulièrement préjudiciable aux femmes, encore trop souvent stigmatisées comme étant plus émotionnelles ou fragiles.
Il est également intéressant d’observer le champ sémantique employé historiquement par l’entreprise. On y retrouve un registre lié à la guerre, avec des termes comme “aller au front”. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant si l’on se remémore que le modèle de l’entreprise a été originellement bâti par et pour les hommes. “Il y a quelque part encore cette logique patriarcale et militaire qui exclut tout ce qui relève du registre émotionnel”, poursuit notre experte. L’ouvrage “Le mythe de la virilité” d’Olivia Gazalé (Robert Laffont, 2017) explore particulièrement bien ce sujet et explique comment depuis des millénaires, nous avons été conditionnés pour éviter de nous mettre en contact avec nos faiblesses et souffrances intérieures.
Puisque se montrer vulnérable n’est communément pas admis en entreprise, chacun porte un masque pour faire montre de sa force et volonté. Sans oublier que “nous vivons plus que jamais dans une société où - quand bien même on parle de plus en plus de santé mentale - on nous fait croire que l’on peut être invulnérable à coup de yoga, marathon et développement personnel”, pointe Camille Sfez. Mais, en refusant de se montrer vulnérable, ne passe-t-on pas à côté de l’essentiel ? De ce qui nous rend profondément humain ?
Heureusement, on peut noter que chez la jeune génération, le droit à la vulnérabilité est beaucoup mieux accepté, avec une évolution notable des relations entre manager et managé, qui plus est lorsque le binôme a à peu près le même âge.
“Accepter sa vulnérabilité, c’est tolérer ses doutes, accéder à toute sa palette d’émotions, et c’est surtout se reconnecter à soi-même derrière le masque que l’on s’est dessiné”, martèle Camille Sfez. Bien sûr, il ne s’agit pas ici de prôner un effondrement quotidien, ou d’adouber le comportement de certains collaborateurs qui affichent en permanence leurs états d'âme. “Il ne s’agit pas de pomper l’énergie des autres, ou d’attendre que la solution vienne du travail (sauf en cas de problème organisationnel bien entendu), mais de pouvoir être honnête sur le fait que l’on traverse une période de vulnérabilité”, précise l’autrice.
En acceptant que chacun accède à une part de soi-même, les entreprises ont beaucoup à gagner.
Autoriser la vulnérabilité, c’est déjà agir en prévention pour une meilleure santé mentale en entreprise. “Reconnaître cette vulnérabilité, c’est admettre notre condition humaine, et donc ce qui nous lie les uns aux autres. Aussi, quand un collaborateur s’ouvre à son manager, c’est une preuve d’engagement, un gage de confiance”, plaide notre psychologue Paula Calado. Accompagner un collaborateur qui traverse une période difficile représente également la promesse de retrouver au bout du tunnel une personne riche des expériences de la vie. “Les personnes qui arrivent à traverser une dépression par exemple en ressortent souvent avec plus de sécurité intérieure, une nouvelle vision qu’elles peuvent ensuite mettre au service de l’entreprise”, affirme Camille Sfez.
Comprendre que la vulnérabilité peut avoir des bénéfices en entreprise, c’est commencer par la voir sous un autre angle. Par essence, la vulnérabilité nous pousse vers une posture d’humilité, soit accepter que l’on ne sait pas tout, que l’on peut se tromper. Adopter cette pensée est plus que jamais d’actualité face aux défis contemporains comme l’évoque le récent essai “Superfaible” du philosophe Laurent de Sutter. Sur la couverture de l’ouvrage, cette citation en dit long : “Avoir raison ne sert à rien. Pour penser, il faut être prêt à perdre”. Or, l’accès à la pensée critique nécessite d’accepter sa vulnérabilité pour sortir de sa zone de confort.
Par essence, la vulnérabilité nous pousse vers une posture d’humilité, soit accepter que l’on ne sait pas tout, que l’on peut se tromper.
Faire une place à la vulnérabilité au travail, c’est aussi accepter toutes les couleurs qui la composent. DRH pour l’entreprise CWP, Danielle Celestino est une fervente défenseuse du droit à la vulnérabilité au travail. Elle-même maman solo et expatriée de son pays, elle estime que le sujet est étroitement lié à la capacité pour une entreprise d’embrasser la diversité : “Mon entreprise est encore largement composée d’hommes mariés blancs. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas leurs propres vulnérabilités, mais je crois qu’il est important de reconnaître que certains salariés ont des difficultés particulières, comme la parentalité, l’identité de genre, la santé mentale”. La DRH est convaincue qu’en acceptant les vulnérabilités, l'entreprise peut devenir réellement inclusive.
Pour créer un environnement propice à la vulnérabilité en entreprise, plusieurs actions peuvent être entreprises :
On retiendra donc que le droit à la vulnérabilité en entreprise est une évolution nécessaire pour créer un environnement de travail plus authentique, bienveillant et résilient. Les entreprises qui adoptent cette approche sont mieux préparées à faire face aux défis futurs, tout en favorisant la croissance individuelle et collective. La vulnérabilité n'est pas une faiblesse, mais une force qui peut transformer la culture de l'entreprise et les relations entre les employés.
Paulina Jonquères d'Oriola
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