Longtemps tabou, le sujet de la souffrance au travail mobilise de plus en plus les travailleurs - et les RH. Comment en repérer les signes avant-coureurs et faire évoluer la situation ? Dans cet article, on vous propose un tour d’horizon de ce sujet complexe et des conseils concrets pour y faire face.
La souffrance au travail regroupe plusieurs catégories, qui ne sont pas toujours bien définies. Leur point commun est une souffrance mentale (qui peut avoir des répercussions physiques) liée au contexte du travail.
Parmi les différentes formes de mal-être au travail, on trouve :
Les études se sont multipliées ces dernières années pour tenter de quantifier le phénomène. S’il n’existe pas de chiffre unique, notamment parce que des catégories comme le bore-out ne font pas consensus, une nette tendance à la hausse est constatée. D’après un sondage Ipsos/Empreinte Humaine réalisé en mars 2022, 2,5 millions de salariés seraient en situation de burn-out sévère. Cela correspond à 34% des salariés français !
Potentiellement… tout le monde si les conditions de travail sont difficiles et le management problématique. Mais regardons en détail !
D’après l’Observatoire du Stress au travail, 52% des travailleurs présenteraient des niveaux élevés de stress. L’anxiété ne discrimine pas en fonction de la hiérarchie, et aussi bien les cadres que les employés sont touchés. Le genre a par contre un impact : les femmes sont plus nombreuses à être anxieuses dans le cadre professionnel (57%) que les hommes (47%). Certains secteurs, comme la santé, la culture, les services et la finance semblent particulièrement à risque.
Ces personnes vont s’épuiser pour atteindre les objectifs fixés. Les managers, à l’intersection des exigences de l’entreprise et des attentes des collaborateurs, sont particulièrement touchés (4 sur 10 selon l’étude précédemment citée). Enfin, les équipes RH ne sont pas épargnées : 64 % des professionnels de ce secteur seraient en situation de détresse psychologique.
D’après une étude réalisée en 2019, 6 français sur 10 s’ennuieraient au travail (gloups !). On manque d’études ciblant spécifiquement ce phénomène, mais il semble donc brasser large.
Le terme “bullshit jobs” (”travail à la con”) a été inventé par l’anthropologue américain David Graeber, à partir du constat que "des populations entières passent toute leur vie professionnelle à effectuer des tâches dont elles pensent secrètement qu’elles n’ont pas vraiment lieu d’être.” Les bullshit jobs ne se définissent pas en fonction du niveau de rémunération ou de responsabilité, et peuvent concerner aussi bien un employé qu’un cadre supérieur. Une des conséquences des bullshit jobs est le brown out, où le travailleur ne trouve plus aucune motivation à effectuer des tâches qu’il juge vide de sens.
Comment voir si un collaborateur est en souffrance ? Chaque personne exprimant ses difficultés de façon unique, il n’y a pas de “liste à cocher” qui permettrait de répondre à cette question. Cependant, certains comportements reviennent fréquemment :
“Le premier signe d’alerte est le changement de comportement de la personne”, indique Margaux Tancrède, psychologue référente chez moka.care. “Est-ce qu’elle arrive plus tôt qu’avant ou part plus tard sans prendre de pause ? Est-elle devenue irritable avec une tendance à l’isolement ? Le fait de refuser de l’aide est aussi un indicateur, car les personnes peuvent être dans le déni de leur souffrance”.
Sans surprise, les causes de la souffrance au travail sont à rechercher du côté de la vie professionnelle. Mais elles ne sont pas toutes évidentes pour autant.
Dans un contexte économique tendu, les attentes envers les salariés sont de plus en plus élevées : longues heures de travail, demande de résultats significatifs. La to-do list semble interminable, les objectifs jamais atteints… Il devient de plus en plus difficile de “déconnecter”, aussi bien d’un point de vue pratique (on reste plus longtemps au bureau, on ne prend plus de pause déjeuner) que mental (ce qui peut générer des troubles du sommeil). Si cet état s’installe dans la durée, attention au burn-out.
Margaux Tancrède, psychologue chez moka.care, met en garde : “Les entreprises “libérées” veulent favoriser la motivation et responsabilisent chaque personne à sa tâche…Mais il faut s’assurer que les salariés sont bien accompagnés pour éviter un sentiment d’échec si ce qui est demandé dépasse les compétences du salarié”.
Connaissez-vous l’effet Golem ? Cette expression est l’inverse de l’effet Pygmalion, où un manager-mentor forme et transforme pour le meilleur son élève. Au contraire, le manager-Golem ne fonctionne que par la critique et la peur, minant la confiance en eux de ses subordonnés. La reconnaissance au travail n’est pas un joli gadget pour motiver les équipes. Elle est indispensable pour travailler en collectif, et son absence a des effets dévastateurs.
Un salarié qui fait beaucoup pour son entreprise attendra une rémunération équivalente, aussi bien symbolique (reconnaissance de la hiérarchie, promotion) que matérielle (augmentation salariale, bonus). Un écart trop conséquent entre les deux entraîne un sentiment d’injustice.
La question du sens au travail mériterait un article à part, car elle dépend de nombreux facteurs psychologiques et sociaux. Elle peut par exemple naître d’une inadéquation entre les attentes et le contenu du poste, la dégradation des conditions de travail qui en font perdre le goût… Il s’agit d’une des raisons majeures de souffrance au travail, même si elle n’est pas toujours simple à déceler.
Et un dernier exemple plus concret, mais non sans conséquences. Entré en force avec la crise du Covid-19, le télétravail s’est installé pour de bon au sein des entreprises. Si certains salariés l’apprécient pour sa flexibilité, d’autres souffrent de la perte de lien social entraînée par une communication exclusivement virtuelle.
En plus des effets sur la santé physique et mentale du salarié concerné, la souffrance au travail a des répercussions à ne pas négliger au sein de l’entreprise, notamment :
Prévenir les risques psychosociaux (RPS) au sein de l’entreprise est une obligation de l’employeur. Cependant, il n’existe pas de solution clé-en-main qui permettrait d’éviter systématiquement les conséquences négatives présentées ci-dessus, ou de résoudre une bonne fois pour toutes une situation complexe.
Pour clore cet article, voilà quand même une feuille de route en plusieurs étapes pour faire face à la souffrance au travail :
Tout au long de cette approche, les démarches concrètes visent à donner (ou rendre !) un sentiment de sécurité en apaisant la personne en souffrance, tout en la reconnectant avec le reste de l’entreprise. Lui donner le sentiment d’une efficacité personnelle et collective par les actions mises en place est une étape indispensable pour donner de l’espoir en des changements pérennes.
Enfin, il ne faut pas hésiter à proposer au salarié une aide qui aille au-delà du service RH : médiation en cas de conflit, coaching pour prioriser et gagner en sérénité, ou encore accompagnement par un psychologue spécialisé. Ce dernier peut travailler avec le salarié sur ses difficultés de façon plus globale, et aider à la mise en place de solutions concrètes, impulsées par le salarié lui-même.
Mais l’approche psychologique ne se limite pas à l’individu et on ne peut pas éradiquer la souffrance au travail sans refonte plus globale. Le mot de la fin sera pour Margaux Tancrède, psychologue moka : « Et si la solution se trouvait dans l’organisation même de l’entreprise ? À elle d’inventer de nouveaux modèles, basés sur l’humain, la confiance et la bienveillance tout en étant associés à l’exigence, à l’innovation et à la créativité ».
Dans ce guide en partenariat avec le cabinet de conseil Korn Ferry, vous apprendrez :
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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