46% des salariés pensent que les personnes atteintes d’un trouble psychique ou d’une maladie mentale posent forcément des problèmes au travail. Ce résultat, tiré de notre dernière enquête en partenariat avec le GHU de Paris, en dit long sur les stéréotypes en matière de santé mentale en entreprise…
Pendant de longues et douloureuses années, Olivia Desmazières, formatrice en négociation commerciale, a fait semblant, tentant de cacher l’invisible mal qui la rongeait. Atteinte d’un trouble bipolaire en “mode XXL”, elle a dû cohabiter avec la maladie pendant plus de 20 ans. Si elle s’autorise aujourd’hui l’emploi du passé, c’est qu’elle est stable depuis plus de 5 ans, grâce à 16 séances d’électro-convulsion qui ont changé sa vie. “Une thérapie qui est souvent synonyme de folie dans l’esprit des gens”, remarque-t-elle.
Cette association directe entre les troubles psychiques et la folie est certainement l’une des causes principales de la difficile démocratisation du sujet en entreprise, et par-delà, dans la société.
“Quand on pense à des troubles comme la bipolarité ou la schizophrénie, on est immédiatement victimes de représentations comme celles véhiculées par des films comme “Vol au-dessus d’un nid de coucou”. Pour ne rien arranger, la mauvaise prise en charge de ces troubles à cause du manque de psychiatres accroît cette confusion, cette peur de la perte du contrôle de soi”, analyse Sylvie Chauvin, psychologue référente moka.care.
Accablée par un sentiment de honte, il n’a donc clairement pas été facile pour Olivia de s’ouvrir sur sa maladie. “Dire que l’on souffre de bipolarité dans un contexte professionnel peut remettre en question notre investissement, nos compétences et nos capacités. On peut être perçu comme quelqu’un d’instable, voire de dangereux”, regrette-t-elle.
Face à ces stéréotypes, il n’est donc pas étonnant de découvrir les chiffres énoncés en introduction : 46% des salariés pensent que les personnes atteintes d’un trouble psychique ou d’une maladie mentale posent forcément des problèmes au travail. On sait aussi que 3 managers hommes sur 10 pensent que les troubles de santé mentale sont “un signe de faiblesse”.
En effet, les difficultés liées à la santé mentale sont encore perçues comme une vulnérabilité qui ne fait pas bon ménage avec la performance.
“Pour avoir été DRH dans une précédente vie et avoir mené une politique volontariste en matière de recrutements de personnes souffrants de troubles psychiques, de handicaps mentaux ou de troubles “dys”, je ne peux nier qu’il y a eu des répercussions sur l’organisation. Certains troubles et traitements peuvent provoquer un ralentissement, comme dans le cas de la dépression. Et dans une entreprise avec de fortes exigences de performance, cela peut questionner”, témoigne Sylvie Chauvin.
De même, Olivia Desmazières nous confie avoir dû s’arrêter à plusieurs reprises durant de longs mois, voire une année entière, afin de préserver sa santé. “Je n’avais pas le choix, c’était ça ou la mort”, nous confie-t-elle.
Selon notre enquête, 47% des salariés qui ont éprouvé des difficultés au niveau de leur santé mentale ont travaillé moins ou moins efficacement. Mais en réalité, n’est-ce pas la non prise en considération de ces vulnérabilités qui empêche toute forme de sécurité psychologique au sein de l’entreprise, et donc, de performance ?
L’exemple d’Olivia est à ce titre éloquent : si elle ne nie pas les répercussions parfois négatives de sa maladie sur son travail, elle nous confie lui devoir aussi ses plus grandes réussites. “Quand j’étais en phase up, je pouvais soulever des montagnes, j’ai connu de grandes victoires professionnelles”, nous raconte-t-elle. Et d’ajouter : “Se priver de personnes atteintes d’un trouble psychique, c’est aussi se priver de pépites, d’individus très investis capables de composer avec un quotidien bien plus complexe que celui du commun des mortels. Ce sont des compétences, qui, au-delà des capacités académiques et fonctionnelles, peuvent être mises au service de l’entreprise”.
Par exemple, accueillir des personnes souffrant d’un trouble du spectre autistique permet de s’ouvrir à une autre perception du monde, à des individus qui pensent - réellement - hors du cadre. Un moyen de compléter les équipes de manière efficiente, mais aussi de créer de la sécurité psychologique pour tous.
Car le phénomène connait une ampleur inédite. Au cours des cinq dernières années, ¾ des salariés français ont déjà ressenti un trouble de santé mentale lié à leur travail. 3 salariés sur 10 déclarent même avoir fait un burnout. Et tandis qu’une personne sur cinq souffrira de dépression au cours de sa vie, il est évident qu’un management inclusif semble plus qu’adapté. “Dans notre podcast sur les secrets du mental des champions, les sportifs de haut niveau nous révèlent qu’en travaillant sur l’acceptation de leurs troubles psychiques, et en s’appuyant sur un environnement inclusif, ils ont réussi à revenir au plus haut niveau et continuer à glaner des médailles”, poursuit Sylvie Chauvin.
Si l’on peut se réjouir de la montée des sujets liés à la santé mentale en entreprise -plus de 2/3 des entreprises auraient déjà mis en place au moins 1 dispositif de protection de la santé mentale d’après les salariés - il existe encore de nombreuses bonnes pratiques à mettre en place pour mieux accompagner ces sujets en entreprise.
Pour créer un environnement sécurisant autour de ces sujets, l’entreprise peut commencer par sensibiliser tous ses collaborateurs sur la thématique. “Aujourd’hui, c’est ce que je fais en parallèle de mon activité. Je témoigne de mon histoire pour montrer qu’en m’acceptant, en osant parler de ma maladie, j’ai pu la surmonter et continuer à performer”, nous explique Olivia Desmazières.
Pour Sylvie Chauvin, il est également essentiel que les managers et RH soient formés à la détection des premiers signaux de détresse : “Plus on prend en charge tôt les troubles, moins ils ont de répercussions sur l’individu et bien entendu l’organisation”.
Pour cela, on peut notamment prendre le pouls des équipes de manière régulière, en demandant à un collaborateur comment il se sent sur une échelle de 1 à 10, et encourager une conversation authentique sur ce sujet. Bien entendu, pour que cela fonctionne, l'entreprise aura travaillé en amont à instaurer la sécurité psychologique indispensable pour pouvoir montrer sa vulnérabilité.
Dans le cas de certaines pathologies, des aménagements peuvent être mis en place, comme des mi-temps thérapeutiques par exemple en concertation avec le médecin du travail. Dans le cas d’Olivia, le fait de pouvoir parler ouvertement de sa maladie à son manager lui a permis d’éviter de graves rechutes. “Quand je sentais que je commençais à me sentir mal, je levais le pied, je baissais mon exposition aux stimulis, diminuais ma charge de travail, et restais chez moi. Cela me permettait de continuer à travailler malgré tout”, témoigne-t-elle. Un système de smiley avait également été mis en place sur la porte de son bureau afin de permettre à ses collègues de connaître son état du jour et ainsi de mieux comprendre certaines de ses réactions.
Grâce à ces aménagements, Olivia a pu mener à bien sa vie professionnelle, ce qui est sans conteste l’une de ses plus grandes réussites personnelles. “Coupler les deux a été une grande victoire. Cela n’a été possible que grâce à l’écoute bienveillante, sans jugement, de mon manager. Aujourd’hui, alors que je témoigne publiquement, je me rends compte que finalement, personne n’a changé de regard sur moi. Je reste la même personne, avec sa propre personnalité et ses compétences. Oser parler de ma maladie m’a sauvée”, conclut Olivia.
Et si nous décidions, ensemble, de faire tomber les tabous ? Demain, chaque entreprise pourrait être un lieu où l’on peut être soi, sans peur ni honte.
Paulina Jonquères d'Oriola
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