Chaque minute, un homme se suicide dans le monde (selon l’OMS). C’est deux fois plus que les femmes. Parce qu’ils ont parfois intériorisé des stéréotypes de genre qui les enferment dans un modèle de masculinité toxique, les hommes taisent leur souffrance intérieure, pouvant les mener à exécuter l’acte ultime. Heureusement, les mentalités évoluent peu à peu sous l’influence de personnalités masculines qui osent s’exprimer sur le sujet. Des témoignages rares et précieux permettant d’ouvrir la voie à d’autres.
En France, 44% des femmes déclarent avoir une mauvaise ou moyenne santé mentale, contre 32% des hommes (source : Baromètre 2023 « Santé des salariés et qualité de vie au travail » Malakoff Humanis). D’ailleurs, 70% de la patientèle qui s’allonge sur le divan est composée de femmes (source : DRESS / INSEE). Et que dire des bancs des universités de psychologie qui sont peuplés à 93% par la gent féminine ? Pourtant, en face, le chiffre est implacable. À lui-seul, il dit tout. 75% des suicidés dans l’hexagone sont des hommes (selon l’OMS). Constat terrifiant qui illustre tristement l’effet cocotte minute qui pousse les hommes à commettre l’irréversible.
Pour Pascal Van Hoorne, conférencier et consultant, ce chiffre accablant n’est pas étranger aux stéréotypes de genre. “Dès leur plus jeune âge, les petits garçons sont éduqués sous l’égide d’une masculinité toxique qui impose un modèle de virilité ne laissant aucune place à la vulnérabilité”, affirme ce spécialiste de la parentalité en entreprise. À ce titre, une étude du CNRS (2020) réalisée à l’international démontre que les enfants assimilent ces schémas dès l’âge de 4 ans. En les mettant face à deux petites boules avec des têtes et des bras, dont l’une a une posture de domination et l’autre la tête baissée et les bras derrière le dos, les enfants ont attribué la première au sexe masculin et la seconde au sexe féminin. CQFD.
“Arrivés à l’âge adulte, ces hommes ne pleurent pas, ne s'épanchent pas sur leur santé mentale. Au mieux, ils évoquent une fatigue. Ils enfilent un costume qui ne leur correspond pas toujours, et certains finissent par exploser”, poursuit Pascal Van Hoorne. Des stéréotypes de genre qui sont totalement dépassés et qui pourtant, continuent à marquer l’inconscient collectif parce qu’ils sont enfouis au plus profond de nous. C’est ce que l’on appelle les messages contraignants (concept venu de l’analyse transactionnelle). “Sois fort, sois parfait. Les hommes doivent assumer leur famille, ne jamais faillir. Et du coup, ils sont invités à cacher leurs émotions. Contrairement aux femmes, seule la colère a droit de cité chez eux”, observe Margaux Tancrède, psychologue référente chez moka.care. De ce fait, les dépressions chez les hommes sont également davantage sous-diagnostiquées, notamment car les symptômes sont différents. On retrouve de l'irritabilité, de la colère, un comportement hostile, agressif, abusif, un abus de substances et un comportement de fuite (par exemple, une implication excessive au travail).Voici quelques des traits communs que l’on observe dans la dépression masculine, une tendance à l’extériorisation versus à l’intériorisation chez les femmes.
À force d’être tus, les maux de l’esprit finissent par s’imprimer dans le corps, allant jusqu’à créer des désagréments physiques extrêmes. C’est ce qui est arrivé à Richy, qui, après avoir passé 20 ans dans l’armée attaché à une unité d’appui feu, a explosé en plein vol. Il faut remonter à une blessure en Afghanistan et la perte de camarades en mission pour comprendre les racines d’un stress post-traumatique non traité. “Que nos blessures soient physiques ou mentales, on préfère les cacher de peur d’être déclarés inaptes et de ne plus pouvoir partir sur le terrain”, nous explique-t-il. Alors, bien qu’amoché, le militaire continue pendant plusieurs années à porter le masque des faux-semblants jusqu’à ce qu’il se retrouve littéralement paralysé du côté gauche de son corps. Cela se produit lorsqu’il rentre en France et quitte les habits de la fonction. Il souffre d’un syndrome de conversion.
Dans sa vie privée, c’est le chaos. Richy est sur la pente de l’autodestruction. Il sabre sa vie sociale et surtout familiale, faisant preuve de violence envers son ex-femme et ses enfants. Parce que son mal-être le rattrape, il finit par décliner une nouvelle mission. “Je me suis attiré les foudres de ma hiérarchie qui ne m’a pas soutenu”, regrette-t-il. Muté dans un bureau, il en profite pour se faire hospitaliser. Cette fois-ci, il n’y a plus de porte de sortie : les médecins l’arrêtent pour de bon. Entre temps, Richy s’est ouvert à la thérapie, a ouvert la boîte de pandore de son inconscient, mis un doigt sur ses blessures d’enfant et ses difficultés avec les choses de l’amour qu’il ne voit que comme une souffrance. Il a accepté de descendre de son piédestal, de montrer sa vulnérabilité, lui qui était particulièrement respecté dans son métier. “On pense que demander de l’aide est une forme de faiblesse, alors que c’est extrêmement courageux”, lance Pascal Van Hoorne dont les mots résonnent particulièrement bien avec l’histoire de Richy.
Pour le militaire devenu préparateur mental, cette quête de soi a pris tout son sens quand il a décidé d’aider ses camarades. “Les psys ne sont pas présents sur le terrain. Au final, nous ne sommes que trois en France à être formés aux techniques d’optimisation du potentiel issues des unités de combat”, explique-t-il. Pour Richy, il est aujourd’hui clair que s’ouvrir à sa vulnérabilité, y compris en mission, rend plus fort. “Je crois qu’il faut lâcher son orgueil pour se connecter à une autre forme d’énergie, et surtout pour se connecter aux autres tout court”, ajoute-t-il.
Autoriser davantage les hommes à partager leur vulnérabilité est l’affaire de tous. À ce titre, les célébrités jouent un rôle important ces dernières années en qualité de rôles modèles. Le 9 janvier 2022, Stromae répondait en chanson sur l’état de sa santé mentale dans le JT de TF1. Il livrait alors une prestation de son titre “L’Enfer”, qui évoque sa dépression et ses pensées suicidaires. Suite à son passage, le numéro national de prévention du suicide enregistrait un pic d’appels, preuve que la voix du chanteur avait transpercé les foyers. D’autres personnalités comme Camille Lacourt dans le documentaire Strong, ou encore le chanteur Shawn Mendes qui a stoppé sa tournée pour préserver sa santé mentale, illustrent le mouvement. De même, on observe de plus en plus d’entrepreneurs s’ouvrir sur leurs faces d’ombre, à l’image d'Arthur Auboeuf, co-fondateur de Time for the Planet, qui s’est livré sur son burnout.
Alors, comment agir au quotidien au sein de son entreprise pour faire avancer la cause, à l’image du mouvement Movember qui a créé une campagne sans précédent sur le sujet ?
La santé mentale des hommes est encore extrêmement taboue. Permettre à toutes et à tous de comprendre comment on en est arrivé là est déjà une première étape à franchir. Cela peut passer par des conférences ou des formations sur le sujet. “En sensibilisant, il est important de sortir de cette culture du surhomme en comprenant bien tous les dommages collatéraux que cela implique, pour l’homme lui-même mais aussi son entourage. Car forcément, un homme qui va mal a des relations interindividuelles dégradées au travail ou à la maison”, explique Pascal Van Hoorne.
Et pour faire avancer le sujet de la santé mentale des hommes au travail, encore faut-il que ceux-ci acceptent de s’ouvrir sur le sujet. “S’autoriser à demander de l’aide, à en parler, c’est donner la possibilité à d’autres d’en faire de même. Et cela est d’autant plus impactant quand on a un poste à responsabilités”, affirme Margaux Tancrède. Un soutien mutuel qui ne va pas sans demander de considérables efforts aux hommes qui ont moins de facilités que les femmes à demander aux autres comment ils vont de peur que cela les renvoie à leur propre faillibilité, et ce d'autant plus dans la sphère professionnelle. Pourtant, notre psychologue l’assure : le triptyque donner - demander - recevoir est encore le meilleur moyen de préserver sa santé mentale. Donner, en offrant aux autres du soutien via l’écoute active, demander, en étant capable d’exprimer sa propre vulnérabilité, et recevoir, en acceptant les mains tendues et le soutien d’autrui.
Comment puis-je t’aider à… ?
=> Pour ouvrir un espace de discussion sécurisé.
Comment supportes-tu la pression de… ?
=> Pour encourager la personne à réfléchir sur sa gestion du stress et de l’anxiété.
En ce moment, que ressens-tu concernant… ?
=> Pour aider la personne à se recentrer sur un sujet et exprimer justement ce qui la traverse.
Depuis combien de temps as-tu ce sentiment ou luttes-tu contre ce problème… ?
=> Cette notion de temporalité empêche les hommes d’évacuer le problème.
Pour Margaux Tancrède, “le travail d’hygiène émotionnelle, soit la capacité à identifier ses émotions, est essentiel en préventif”. Mais pour certains hommes, comme cela a été le cas pour Richy, ce travail de connexion aux émotions est souvent rendu impossible par une façade d’orgueil. Alors, ces émotions se manifestent dans le corps. Se mettre à l’écoute de ce dernier est donc une première étape intéressante. L’objectif étant par la suite d’être capable de comprendre les besoins non satisfaits derrière cette émotion, puis d’activer les ressources nécessaires en interne ou en externe pour y parvenir. “C’est essentiel de considérer l’aide extérieure comme une ressource et non pas un aveu d’échec”, martèle Margaux Tancrède. Ces ressources externes peuvent être un psychologue ou même des groupes de parole dédiés exclusivement aux hommes. Il peut s’agir de groupes sur la parentalité ou sur l’équilibre vie pro-perso comme moka.care en propose.
En acceptant de se soutenir davantage les uns les autres, en rendant l’invisible visible, on agit en prévention pour permettre l’expression d’une possible souffrance intérieure, qui, quoi qu'on en dise, n’épargne pas les hommes.
Envie de vous sensibiliser davantage au sujet ? N’hésitez pas à consulter notre podcast dédié aux secrets des athlètes de haut niveau pour prendre soin de leur santé mentale. Preuve que même les plus forts traversent eux-aussi des zones de turbulences.
Paulina Jonquères d'Oriola
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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