Qu’il s’agisse d’un cancer, d’une maladie grave ou d’un burnout, réintégrer un collaborateur après une longue absence représente un véritable défi pour les organisations. Mais c’est aussi une opportunité pour l’entreprise de se montrer dans toute son humanité. Alors, sur quelles bonnes pratiques miser pour un retour en toute sécurité et sérénité ?
En 5 ans, l’absentéisme a bondi de 41% chez les salariés du privé. En cause ? La hausse des arrêts maladie de longue durée, souvent pour des troubles psychologiques, en particulier chez les jeunes selon l'enquête Datascope 2025 réalisée par AXA France. Dans le même temps, les cas de cancer augmentent eux-aussi de façon inquiétante. Et une fois encore, les jeunes ne sont pas épargnés. Selon une étude publiée par le journal spécialisé BMJ Oncology en 2023, le taux de cancers chez les moins de 50 ans a presque doublé entre 1990 et 2019 (+80%).
Pour Jérôme Friteau, Directeur des Relations Humaines et de la Transformation au sein de L'Assurance Retraite, il devient aujourd’hui impossible de détourner le regard face à l’ampleur du phénomène. “Les maladies graves et le cancer, c’est un sujet auquel nous sommes confrontés depuis longtemps étant donné la pyramide des âges de l’Assurance Retraite (18% de 55+), mais aussi notre politique autour du handicap (9% des effectifs). Quant au burnout, nous commençons aussi à enregistrer des cas. De mon côté, il me semble essentiel que l’entreprise développe des politiques dédiées. On ne peut pas se contenter de voir l’absentéisme comme un sujet sur lequel nous ne pouvons pas agir”, estime-t-il.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse du cancer, d’une maladie grave ou d’un burnout, ces arrêts longue durée ont tous un point commun : “ils mettent l’individu dans une situation de vulnérabilité. Ces arrêts ont un impact sur le travail, l’organisation de l’équipe et l’identité de la personne”, souligne Charlotte Fortuit-Klein. Pour la coach et co-autrice de “Manager les vulnérabilités en pratique” (Dunod), tout l’enjeu est alors que ces vulnérabilités ne se transforment pas en fragilité. “A ce titre, les DRH ont un vrai rôle à jouer”, estime-t-elle.
Miser sur la sécurité psychologique
“La sécurité psychologique est sans aucun doute le facteur n°1 pour un retour réussi”, souligne Sylvie Chauvin, psychologue référente moka.care.
Peur du regard de l’autre, d’être étiqueté, crainte d’être perçu comme moins capable, sentiment de honte (y compris dans le cas des cancers)... Pour toutes ces raisons, il n’est pas toujours évident pour un salarié de s’ouvrir sur sa situation. Sylvie Chauvin se souvient ainsi d’une patiente qui a préféré taire son cancer : “Mais quand elle a fait un burnout plus tard, et qu’elle a fini aux urgences, elle a été obligée de s’en ouvrir à son employeur. Le burnout a été une épreuve encore plus difficile pour elle”.
Les solutions : Pour que le sujet ne soit pas tabou, il est essentiel que les collaborateurs y soient régulièrement exposés. Dans des cabinets de conseil comme McKinsey, des témoignages de collaborateurs sont par exemple organisés. Au sein de l’Assurance Retraite, il en va de même, et la politique porte ses fruits. “Il y a peu, deux salariés ont décidé de témoigner de leur propre chef sur leur expérience du cancer”, nous raconte Jérôme Friteau. De plus, permettre au collaborateur de s’appuyer sur des ressources internes ou externes permet d’abaisser sa charge mentale et de comprendre qu’il n’est pas seul face à cette épreuve : médecin du travail, infirmie.re, psychologue, assistant.e sociale, référent handicap…
Manier l’art de l’écoute
Quand un collaborateur revient d’un arrêt longue durée, “il est essentiel de le réonboarder, et surtout de lui demander la façon dont il souhaite communiquer ou non sur ce qui lui est arrivé. C’est très personnel”, pointe Sylvie Chauvin. Pour ce faire, des 1-1 réguliers doivent être organisés avec le DRH, le manager, ou les trois parties ensemble. Cela permet ainsi de se mettre au plus près des besoins du collaborateur car personne ne traverse ce type d’épreuves de la même façon.
Les solutions : Pour Jérôme Friteau, le DRH joue un rôle de première ligne. Il se souvient ainsi du cas d’une collaboratrice, qui manageait une grande équipe, et a vécu un burnout intense, imposant deux ans d’arrêt. “Avant qu’elle reprenne, je l’ai longuement écoutée. Il y avait de la rancoeur envers la ligne managériale, voire l’organisation toute entière. J’ai essayé d’adopter une posture ni d’attaque ni de défense, sans chercher à nous sécuriser juridiquement. Juste de l’écoute, cela m’a permis de comprendre ses besoins, à savoir ne plus manager notamment”, nous raconte-t-il. Il nous explique aussi avoir formé les managers à ces entretiens de retour de longue absence (écoute mais aussi connaissance de l’écosystème et des ressources à activer). De plus, ces entretiens sont devenus obligatoires.
Adapter le retour
L’une des pires erreurs qui puisse être commise en matière d’accueil d’un salarié après un arrêt longue durée consiste à faire comme si de rien n’était. Car le salarié doit apprendre à se réapproprier son travail. “On sort forcément changés d’une telle épreuve, avec un possible remaniement de valeurs, une mise en perspective de la notion d’urgence”, souligne Charlotte Fortuit-Klein. En quelque sorte, c’est comme s’il fallait apprendre à connaître une nouvelle personnalité. Alors forcément, il ne sera pas possible de remettre le collaborateur à son poste dans les mêmes conditions qu’au préalable. On sait par exemple que 40% des gens qui rentrent d’arrêt maladie pour burnout rechutent dès le premier mois.
Les solutions : Miser sur un retour progressif et adapté pour éviter toute rechute. En réflexion avec le médecin du travail, on peut proposer des aménagements : télétravail, horaires flexibles, amplitude réduite… Dans quasiment tous les cas, le retour se fera à mi-temps thérapeutique (d’abord 30 puis 50 et 80%). Dans le cas du burnout, la personne changera très certainement de service. Pour reprendre l’exemple de la salariée de l’Assurance Retraite, un dispositif a été entièrement pensé pour aider ce retour : “Je lui ai proposé de se former à un nouveau métier. Elle occupe désormais un métier d’expertise dans un domaine technique. Huit mois plus tard, c’est un succès”, se réjouit Jérôme Friteau. Il nous explique d’ailleurs que les retours des collaborateurs sont toujours couplés à un état des lieux des compétences afin de s’assurer que leurs connaissances soient à jour dans un milieu en perpétuel changement. Cela ouvre souvent à des formations qui sont un bon moyen de remettre tranquillement le pied à l’étrier.
Penser au reste de l’équipe
Qui dit réintégrer un collaborateur, dit aussi que l’équipe va devoir s’adapter à ce retour. Or, ce n’est pas toujours aisé, même au sein des équipes les plus soudées.
“J’ai le cas d’une femme qui était à la tête d’une équipe qui a tout fait pour la préserver en absorbant le travail, et a donc beaucoup gagné en autonomie. Sauf qu’à son retour, elle ne savait plus où était sa place”, nous explique Sylvie Chauvin.
Il est donc central de penser ce retour dans un écosystème qui a continué à évoluer durant les mois d’absence. C’est d’autant plus important que ces retours peuvent créer des sentiments d’inéquité et d’injustice pour le reste de l’équipe. “C’est très vrai dans les cas de burnout mais aussi terrible que cela puisse sembler, ça l’est aussi dans le cas des maladies graves. Il peut exister un sentiment d’hostilité chez des collaborateurs qui sont eux-mêmes épuisés. Le stress réduit nos capacités d’empathie”, note Charlotte Fortuit-Klein.
Les solutions : Ne jamais oublier de remercier les équipes pour leur résilience durant cette période, et souligner les compétences qu’elles ont acquises durant l’absence de leur manager ou collègue. “On peut organiser une réunion dédiée. En fait, l’idée est que ces équipes, qui ont sûrement gagné en autonomie, n’aient pas l’impression de perdre quelque chose lors du retour du collaborateur, quand bien même ils l’apprécient”, souligne Sylvie Chauvin. Il est donc important d’avoir une vision systémique quand on aborde le retour d’un individu.
Continuer à donner des objectifs
C’est un travers que Sylvie Chauvin observe souvent : des collaborateurs sur le retour auxquels on ne donne pas d’objectifs. “Cela peut être très déstabilisant pour la personne, et notamment pour sa confiance en elle”. Un avis partagé par Charlotte Fortuit-Klein qui rappelle que même s’il y a une baisse d’énergie, il n’y a pas une baisse de compétences. “La compassion ne doit surtout pas se transformer en pitié”, estime-t-elle. D’autant que l’univers professionnel peut être salvateur pour le collaborateur qui reprend contact avec un quotidien ordinaire.
Les solutions : Donner des KPI’s dès le démarrage du poste, adaptés au temps de travail de l’individu, afin de l’aider peu à peu à remonter en charge. Surtout, il est essentiel de capitaliser sur les compétences développées par le collaborateur sur le retour : “résilience, adaptabilité, persévérance, tolérance face à la frustration, créativité face aux difficultés”, résume Charlotte Fortuit-Klein.
Un retour au travail réussi exige donc une approche humaine et systémique, alliant adaptabilité, dialogue et reconnaissance. Il ne s'agit pas seulement d'une démarche individuelle, mais bien d'un enjeu collectif qui, bien géré, renforce la cohésion et la résilience de toute l'organisation. Sylvie Chauvin insiste sur le temps qui doit être investi par la ligne managériale pour réussir ce retour.
“Chez moka.care, nous avons déployé des dispositifs de formation spécifiques (formation à l'écoute, groupe de parole …) pour faire de ce retour une belle histoire pour tous : le collaborateur, l'équipe, et l'entreprise”, affirme-t-elle.
En valorisant les compétences développées durant les épreuves et en instaurant un cadre de travail flexible et bienveillant, les entreprises créent un environnement où chacun peut non seulement reprendre sa place, mais aussi grandir et évoluer. “Je crois qu’il est central d’acculturer les managers à ces problématiques afin qu’ils aient les bonnes mécaniques. Nous sommes tous susceptibles de rencontrer ces épreuves à un moment donné. C’est à ce moment-là que les RH, et par-delà l’entreprise, peuvent démontrer leur humanité. La gestion des talents, ce n’est pas seulement quand tout va bien !”, conclut Jérôme Friteau.
Paulina Jonquères d'Oriola
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