Paul-Henri, je suis ravi de t’avoir sur ce podcast. J’ai beaucoup suivi ta carrière ces 20 dernières années et aujourd’hui je serais ravi qu’on puisse revenir sur tes débuts, sur tes matchs légendaires, et parler également de ton rapport à la défaite mais aussi à la victoire.
Je suis Paul-Henri Mathieu, ancien joueur de tennis. J’ai atteint la deuxième place mondiale. J’ai effectué 18 saisons sur le circuit professionnel. J’ai été passionné par ce sport depuis tout petit. J’ai eu une opportunité de partir aux US dans une académie réputée. J’ai mis un peu de temps à éclore sur le circuit, j’aurais voulu que ça aille un peu plus vite. Mais enfin, me voilà.
Tu as commencé sur les chapeaux de roues, tu as gagné Roland-Garros junior en 2000, tu avais 18 ans. Tu as eu tes premières victoires sur le circuit senior en 2002. On sait que la transition entre les deux circuits n’est jamais évidente. Comment l’as-tu vécue ?
Cette transition n’est pas simple car il y a beaucoup d’attentes. Avant de gagner Rolland Garros junior en 2000, je faisais partie des meilleurs joueurs du monde de mon âge. J’avais peu de défaite. Je n’ai pas appris à perdre, ce qui m’a desservi lorsque j’ai commencé à jouer sur le circuit professionnel. Il y a beaucoup de pression quand on nous attend au tournant. J’ai mis plus de temps à arriver sur le circuit professionnel que prévu que cela a affecté ma confiance en moi. Il fallait de la patience, et être entouré de personnes très positives.
Et justement, on t’a entouré, on t’a préparé à cela ?
En toute transparence, non pas trop. Il y a beaucoup de choses que j’ai dû découvrir par moi-même. Quand j’ai commencé à gagner en étant très jeune, la défaite pour moi n’existait pas. Quand elle a commencé à arriver, ça m’a mis dans les cordes. Et fait, ça n’aurait pas dû, car la défaite fait partie du quotidien d’un sportif de haut niveau, surtout dans notre sport. Sur 18 saisons que j’ai effectué sur le circuit j’ai gagné seulement 4 tournois. Donc ça veut dire qu’on perd tout le temps, toutes les semaines.
On a beaucoup parlé de ton match contre Nadal en 2006. Nadal était à 55 victoires consécutives sur terre battue. Tu étais encore assez jeune. Et là un match historique, dont on parle encore aujourd’hui. 4h53, un combat titanesque incroyable. Tu as montré des qualités extraordinaires, où tu as rivalisé le meilleur joueur sur terre battue à son meilleur niveau. Après un tel match, la défaite t’aide-t-elle à te construire, ou a-t-elle généré plutôt de la frustration.
Je ne sais pas si je peux donner une vraie réponse, car il y a un petit peu des deux. Frustration sur le moment présent car je me suis forcément demandé ce qui se serait passé si j’avais joué contre lui plus tard, ou si je l’avais battu. Mais aussi, quand on tient tête à un tel joueur, ça gonfle aussi la confiance en soi et les perspectives que l’on peut avoir dans les mois, années à venir. On se dit qu’on est sur la bonne voie.
Ce match m’a épuisé mentalement, mais physiquement j’étais bien. Je me suis levée le lendemain en me disant que j’aurais pu largement jouer un autre match. Donc la frustration a repris le dessus.
Pendant ce match, tu disais que tu étais “dans la zone”. On a l’impression d’un état de flow. Avais-tu une préparation particulière pour cela ?
Cet état là est celui qu’on recherche systématiquement. C’est dans ces conditions qu’on joue le mieux. On y arrive 2-3 fois par an.
Contre Nadal, je savais que j’avais très peu de chance de m’imposer. Et avant le match, je me suis dit que ce peu de chance que j’avais, ces quelques 1 ou 2 %, je me suis concentré que là-dessus. Je me suis concentré sur chaque point.
Tu avais dit une fois dans un interview qu’il ne faut pas écouter le speaker en début de match quand il annonce le palmarès de l’autre.
On essaye toujours de relativiser. Je me dis toujours : en face de moi, j’ai quelqu’un qui a deux bras, deux jambes, une tête comme moi.
Mais effectivement, certains joueurs ont un tel palmarès que souvent ils gagnent leur match avant de rentrer sur le cours. Certains joueurs se couchent dès que ça devient difficile en début de match. Jouer sans pression, c’est pas facile à faire. Même si on a peu de chances de gagner, on a la pression de bien jouer, de faire un match plein.
Je voudrais revenir sur une autre défaite dont on a beaucoup parlé. On t’en a parlé, reparlé… La finale de la coupe Davis contre la Russie en 2002. Elle se jouait en France à Paris Bercy. Dernier match de la finale et ce sont les deux jeunes qui s’affrontent : Mikhail Youzhny et toi, tous deux 20 ans. Est-ce que le plus difficile à vivre dans une défaite pareil n’est pas le fait que la presse, et les personnes qui t’entourent t’en reparlent constamment ?
Ce qui était difficile avec ce match, c’est que je n’étais pas forcément préparée aux retours qu’il y a pu avoir dans les médias.
Alors oui, cette défaite en finale a été dure. Jouer une coupe Davis en France, c’était un rêve de gosse qui se concrétisait. J’aimais la pression. J’aimais les gros défis. Donc il y a des palpitations, une forme d’excitation aussi car on vit pour ça, pour ce genre de match. J’ai commencé le match pieds au plancher. Je me retrouve à 2-0 sans rien faire d’extraordinaire. Et puis ça s’est inversé. Le lendemain, on devait être reçus à l’Elysée, mais je n’arrivais pas à me lever. J’avais des courbatures comme j’en ai jamais eu. Mon corps n’a pas tenu.
Quelques semaines après je me suis blessé aux abdominaux, et je pouvais pas jouer à l’Open Australie. Je me retrouve dans la salle d’attente pour faire un scanner et là je prend un magazine au hasard. Je l’ouvre et tombe sur ma photo en double page. Et je lis “les français au mental friable”. Un coup de poignard. Ca a été pour moi dévastateur.
Tu as été accompagné à ce moment-là ? Par ton entraineur par exemple ?
Oui et non, car on veut vite partir sur autre chose aussi.
J’avais vécu une fin d’année intense. J’étais 30e mondial. C’était pas une défaite en finale de Coupe Davis qui allait m’arrêter.
Mais ce qui m’a fait vraiment mal, c’était de me blesser juste après. La confiance que j’avais en moi s’est effritée. Je ne me suis pas assez protégé.
Aujourd’hui, tu es directeur du Haut Niveau à la Fédération Française. Est-ce que tu constates que les choses ont évolué ? Si un jeune avait aujourd’hui une défaite que la presse mettait sous le feu des projecteurs est-ce qu’il y aurait moyen pour être mieux accompagné qu’il y a 20 ans ?
Oui, au sein de la fédération il y a une dimension mentale mise en place. C’est un domaine dans lequel on peut travailler comme on travaille son coup droit, son revers. Je pense que c’était un sujet très tabou par le passé car ça sous-entendait une faiblesse. Mais en fait pas du tout.
Tu as eu une opération en 2010. Tu as fait 15 mois de rééducation, tu t’es accroché. Tu es reparti de 0 et tu es revenu pour devenir 50e mondial. Tu n’as pas été tenté d’abandonner, de t’arrêter là ?
Ca m’a traversé l’esprit, c’est sûr. Avant cette opération là, j’avais vécu des saisons difficiles. Ca a été dur à vivre entre 24 et 30 ans. Je devais trouver des raisons de continuer. J’avais toujours penser arrêter à 30 ans avec 3-4 grands chelems. Avoir été numéro 2 mondial.
Et cette blessure est arrivée. Je me lève un matin, je n’arrive plus à marcher. Je n’avais plus de cartilage.
Je n’avais pas le choix ; je décide de me faire opérer. J’ai tiré un trait sur ma première carrière. Et donc je me suis dit que j’allais me relancer. J’ai beaucoup souffert, ca a demandé beaucoup de patience. J’ai été accompagné par une équipe tv, “Intérieur Sport”. Ca m’a permis de pouvoir me livrer, dire ce que je vivais. Ca a duré 18 mois.
Et pendant ces 18 mois, j’ai pensé arrêter 200 fois. J’y pensais tous les jours. Je pleurais tous les jours. Mais j’avais un objectif et je m’accrochais à cela. Je voulais rejouer, et rejouer le vrai circuit. J’ai eu de la souffrance physique. Les périodes de doute ont été intense. Souvent j’étais à deux doigt d’en voir le bout, je me disais “ca y est”. Et je replongeais le lendemain. C’était très dur.
Et alors tu es revenu sur le circuit. Tu t’es remis à jouer à un niveau exceptionnel. Tu gagnes contre John Isner après un match de 5h40. Qu’as-tu ressenti à ce moment-là ?
De la fierté. C’était pour moi une énorme victoire.
Je m’étais fracturé l’orteil la semaine d’avant mais c’était impensable que je ne joue pas. J’avais atteint une tolérance à la douleur hors normes. Rien ne pouvait m’arrêter.
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