Qu’est-ce que la motivation – et surtout, comment la nourrir ?
Nous avons eu la chance d’interviewer Caroline Chimot et Grégory Dupont à ce sujet, deux personnes qui évoluent depuis toujours dans l’univers du sport de haut niveau.
Caroline combine une carrière d’ancienne gymnaste de haut niveau et un doctorat en sciences sociales, une expertise qu’elle met au service de la stratégie des clubs sportifs professionnels et des entreprises.
Grégory a travaillé avec les plus grands clubs de football sur la préparation physique des joueurs, la prévention des blessures et l’analyse de données. Docteur en physiologie, il a accompagné l’équipe de France de football lors de la coupe du monde en 2018, ainsi que de grands clubs comme le Real Madrid.
Ils nous partagent leurs observations et leur expérience des clés de succès des grands clubs sportifs qu’ils ont accompagnés.
Depuis quelques années, le sport de haut niveau s’est largement professionnalisé. Cela vaut pour les joueurs mais aussi pour leur encadrement.
Là où il n’y avait auparavant qu’un entraîneur ou un coach, les joueurs sont aujourd’hui accompagnés par des experts dans leur préparation physique, technique, la nutrition, et de plus en plus la préparation mentale et le suivi psychologique.
Alors que la compétition est de plus en plus élevée dans quasiment tous les sports, il s’agit alors de trouver de nouveaux relais de performance. Une source de performance longtemps non exploitée est tout simplement le bien-être individuel.
Les meilleurs clubs en ont fait un paramètre essentiel de la performance collective. De là, deux piliers en découlent :
Le plus compliqué est bien évidemment de concrètement créer l’environnement qui favorise cela et comment entraîner ses équipes vers l’excellence.
Cet article partage 4 enseignements, inspirés de grands clubs sportifs, qui semblent applicables à tous types d’organisations.
On entend souvent au sujet des équipes de sport des remarques comme : « le groupe vit bien » ou « il y a une bonne dynamique de groupe ». Pour Grégory, on pourrait même parler de « santé mentale du groupe » :
“Pour moi cette notion de santé mentale du groupe, c'est globalement l'état de cohésion et d'interaction entre les différents joueurs. Je me connais, je connais mes partenaires - techniquement, mais aussi mentalement. Cette notion de santé mentale fait que chaque joueur a envie d'aider l'autre, à la fois sur le terrain et en dehors du terrain.”
Il ne faut pas hésiter à valoriser les personnes qui participent à cette cohésion d’ensemble. Certains joueurs par exemple ne sont pas les contributeurs individuels les plus virtuoses, mais sont essentiels à l’équilibre global du groupe, à sa bonne entente, à la bonne humeur générale.
Autre conseil de Grégory : éviter à tout prix de demander aux joueurs de « se fondre dans le groupe ». Au contraire, il vaut mieux encourager chacun à prendre sa place au sein de l’équipe pour qu’il puisse se sentir compris et soutenu. C’est le fondement même d’une culture inclusive, qui favorise la créativité, l’innovation et la résolution de problèmes.
On distingue en psychologie deux types de motivation :
Ces deux types de motivation s’entrecroisent souvent et il n’y en a pas une « meilleure » que l’autre. Mais la motivation extrinsèque est généralement valable à court terme plus qu’à long terme et possède des limites : la dépendance aux récompenses externes (l’argent, les trophées, les promotions…), le risque de surmenage (chercher à atteindre les récompenses ou les objectifs fixés au détriment du bien-être et de sa santé), le sentiment d’absence de sens ou d’accomplissement personnel.
Pour tenir dans la durée, donc, la motivation intrinsèque est le levier le plus puissant.
C’est cette idée que rejoint Grégory lorsqu’il raconte son expérience au Real Madrid :
« Au Real Madrid, je n’ai jamais connu un joueur qui souhaitait quitter le club. Et ce n’était pas juste parce que c’était le Real : les joueurs s’y sentaient vraiment à leur place, se sentaient investis dans le projet du club. C’est ce qui fait que les joueurs, même quand ils n’entrent sur le terrain que pour 30 secondes, se donnent à fond »
Au sein d'une équipe, chacun a une place qui lui est propre, mais un objectif commun : faire gagner l'équipe, faire avancer l'entreprise et remplir ses objectifs. Certains joueurs ne joueront pas pendant plusieurs matchs, néanmoins, ils doivent tout de même être prêts à tout moment pour donner le meilleur d'eux-mêmes.
Alors comment assurer cette motivation ? Comment éviter qu’une personne qui « reste sur le banc » ne se démotive ?
Pour Caroline : « Pour que le groupe fonctionne, il faut limiter les tensions et la concurrence inter-individuelle. Or, cela fait partie du métier de footballeur : il y a des titulaires et des remplaçants. Justifier la composition de l’équipe par rapport à l’adversaire, par exemple, permet de placer la décision sur un plan professionnel. Il est essentiel de comprendre que si je suis sur le banc, c’est parce qu’à cet instant T, c’est ce qui est le mieux pour l'équipe. En tant que joueur, je comprends que, selon l’adversaire, mon profil est plus ou moins utile. Peut-être qu'avec un autre adversaire, c'est moi qui vais jouer. Le rôle de l'entraîneur est déterminant pour faire comprendre et rassurer les joueurs sur leur utilité pour le groupe. »
La clé tient donc dans la capacité des entraîneurs à donner du contexte, à justifier leurs décisions et à les inscrire dans un projet global.
Même si les frustrations individuelles sont réelles, on peut éviter qu’elles ne génèrent de la tension au sein du groupe. Pour cela, Grégory conseille de rappeler à chacun de se concentrer sur les bons obstacles : l’adversaire n’est pas le membre de son équipe qui est sur le terrain, mais bien l’équipe d’en face qu’il faut battre ou le championnat qu’il faut remporter.
Le plaisir est une composante essentielle de la motivation intrinsèque. En travaillant avec les différents clubs sportifs qu’ils accompagnent, Grégory et Caroline ont prêté une attention particulière à cette notion de « plaisir » pour adapter les plans d’entraînements des joueurs.
Au fondement de leur démarche se trouve un constat qu’ils ont pu mesurer à de nombreuses reprises : la difficulté ressentie lors d’un exercice n’empêche pas le plaisir. Autrement dit, le plaisir n’est pas nécessairement synonyme de facilité.
Comme le rappelle Grégory : « Il y a des séances dont les joueurs vont ressortir épuisés, lors desquelles ils vont aller au bout d’eux-mêmes et qui pourtant vont leur procurer beaucoup plus de plaisir que s’ils avaient eu à faire un jogging « facile » de 2 heures.»
Pour identifier les bons exercices, les bons objectifs à fixer aux joueurs, ils se sont mis à mesurer de manière distincte la difficulté éprouvée et le ressenti à la fin de la séance. Ils se sont appuyés pour cela sur deux échelles : l’échelle de Borg et l’échelle de Réjeski.
Pourquoi ne pas les utiliser à votre tour après les missions menées par vos équipes, pour faire une rétrospective de ce qui a été ressenti comme facile/difficile et plaisant/déplaisant ?
Nous l’avons dit en le présentant : Grégory est physiologue de formation, un domaine qui s’appuie pour beaucoup sur des données « objectives » des individus (des tests sanguins, par exemple). Pourtant, avec Caroline il insiste sur l’importance du ressenti, qui est non palpable mais auquel il faut faire confiance.
En 2018, il a mené avec l’UEFA une étude (Listen to the players : wellbeing and injuries) sur l’apparition des blessures chez les footballeurs. Menée auprès de 163 joueurs de 4 équipes distinctes de Champions League pendant une saison complète, elle consistait en un suivi d’indicateurs objectifs et d’indicateurs subjectifs de forme physique (ressenti au niveau du sommeil, de la fatigue, du stress et des douleurs musculaires sur une échelle de 1 à 7). Ces données ont ensuite été mises en perspective avec l'apparition de blessures.
Résultat : les données subjectives et de ressenti permettaient de prédire de manière plus significative l’apparition des blessures que les données objectives collectées en parallèle (via des analyses sanguines notamment).
Ce phénomène s’observe aussi après une période d’arrêt liée à une blessure. Il arrive qu’il y ait un décalage entre les conclusions des médecins ou kinésithérapeutes, qui pensent le joueur apte physiquement à revenir sur le terrain, et le ressenti du joueur, qui lui appréhende de se blesser à nouveau.
Caroline l’explique :
« Une blessure n’est pas juste physique : elle entraîne une perte de confiance, une appréhension à se blesser à nouveau, ou un stress à l’idée d’avoir pris du retard par rapport à ceux qui ont pu continuer à s’entraîner. Il est important de prendre en compte la dimension psychologique, de se demander si le joueur est prêt mentalement à retourner sur le terrain.»
Une étude a d’ailleurs été menée sur ce sujet, A systematic review of the psychological factors associated with returning to sport following injury.
Alors, comment mesurer le ressenti de son équipe ?
Pas forcément besoin d’outil ou d’échelle particulière cette fois, la question « comment ça va ? », posée de manière bienveillante et dont on attend sincèrement la réponse est sans doute la meilleure recette.
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Nous espérons que cet article vous a plu et donné des conseils activables pour entretenir la motivation de vos équipes.
Si les secrets de performance dans le sport de haut-niveau vous inspirent autant que nous, allez écouter Les Secrets du Mental, le podcast de moka.care sur la santé mentale des athlètes de haut niveau. Antoine Dupont, Blaise Matuidi, Ysaora Thibus, ou encore Camille Lacourt ont partagé avec nous leur vision de la santé mentale et les clés de leur résilience.
Dans ce guide en partenariat avec le cabinet de conseil Korn Ferry, vous apprendrez :
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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Un monde qui change demande des éclaireurs qui évoluent aussi. Dans ce guide en partenariat avec Kea & Partners, vous apprendrez :
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