En France, une femme sur six est touchée par la dépression post-partum, tandis que plus de la moitié des jeunes mères réduisent ou cessent leur activité professionnelle après leur congé maternité selon l’INSEE. Un sujet qui touche irrémédiablement les entreprises, mais dont on parle encore peu, considérant qu’il s’agit d’une problématique intime. Et si on avait tout faux ?
Sur le papier, Clémentine avait rejoint l’entreprise rêvée pour un poste de cheffe de projet. Enceinte de 3 mois lors de son recrutement, sa grossesse a été accueillie avec beaucoup de bienveillance et ne l’a pas empêchée de décrocher son job. Avec son employeur, elle avait aussi convenu de passer à 50% puis 80% au retour de son congé maternité. Sauf que, comme souvent avec la maternité, tout ne s’est pas passé comme prévu : un accouchement compliqué, des nuits difficiles et un profond sentiment de solitude. “À l’époque, j’étais la première de mon cercle d’amies à avoir un enfant. Je n’avais pas non plus de sœurs, donc personne à qui me référer”, se souvient-elle. Finalement, après deux mois et demi de congé maternité, Clémentine est finalement heureuse de retrouver le chemin de l’entreprise parce qu’elle s’imagine retrouver un peu de temps pour elle.
Mais très vite, la question du sens vient l’interpeller. “Je me souviens pédaler à toute vitesse pour rentrer à la maison et voir un peu ma fille avant qu’elle ne s’endorme. Je me sentais frustrée de ne pas passer de temps avec mon enfant pour un job qui ne me passionnait pas”, regrette-t-elle. Ajoutez à ce cocktail explosif quelques déplacements, l’impossibilité de télétravailler plus d’un jour par semaine, un manque de communication avec sa N+1 : et vous obtiendrez l’équation qui a menée Clémentine à la dépression post-partum. “Tous les soirs, je pleurais, et mon corps a fini par me lâcher avec une grosse infection urinaire. J’ai été arrêtée un mois, et c’est ma sage-femme qui a posé le mot de dépression post-partum”, se souvient la trentenaire.
L’histoire de Clémentine pourrait être celle de millions d’autres mères. Sur le papier, aucun incident grave à déplorer. De même, sa manager n’a jamais commis d’acte terrible, mais son comportement passif et son incompréhension de la situation ont fini par questionner la jeune mère sur sa place dans l’entreprise. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’arrivée d’un enfant crée une période de forte vulnérabilité psychique. “La naissance peut être l’un des plus beaux moments de la vie, mais c’est aussi la première séparation entre la mère et son enfant qui ont passé 9 mois ensemble”, explique Hanna Muller, psychologue référente pour moka.care. Juste après l’accouchement, le taux d’hormones chute brusquement, le ventre se dégonfle et l’on peut ressentir une sensation de vide corporel. Sans compter la prise en compte de l’ampleur de la responsabilité pour faire face aux besoins d’un petit être jour et nuit. “Ce changement abrupt de réalité peut générer des sentiments de solitude, d’angoisse et de tristesse, sans compter la nécessité d’apprivoiser sa nouvelle identité en tant que parent. On passe de je suis “fille de”, à “mère de””, poursuit la spécialiste. Il faut aussi réapprendre à composer avec son ou sa partenaire, sa sexualité, et le nouveau membre de la famille. Pour toutes ces raisons, il est tout à fait normal d‘avoir un moment de déprime après l’accouchement. C’est ce que l’on appelle le baby blues, et qui permet un ajustement physique, hormonal et émotionnel.
En revanche, quand les symptômes persistent plus de 15 jours, on peut penser à une dépression post-partum, sachant que celle-ci peut survenir jusqu’à la troisième année de l’enfant. Tristesse, persistance de l’anxiété, fatigue extrême, changement d’appétit, troubles du sommeil, perte d’envie et surtout perte de plaisir à s’occuper de son bébé… autant de symptômes qu’Amandine, coach et mère de deux enfants, a pu ressentir après son second accouchement. “Tout a été plus difficile avec mon second que mon aînée. On a beau savoir qu’aucun enfant ne se ressemble, je culpabilisais et avais l’impression de tout mal faire. J’ai voulu démarrer mon activité de coach alors que j’étais épuisée, j’avais de nombreux vertiges. Je ne prenais plus aucun plaisir à m’occuper de mes enfants, j’étais même en colère contre eux, mais quelque part, j’étais dans le déni. Résultat : j’ai fini par craquer et partir me réfugier quelques jours chez ma soeur”, se souvient la jeune mère.
Comme Amandine, peu de femmes parviennent à objectiver l’épreuve qu’elles traversent. Il faut souvent l’intervention des proches ou de professionnels pour se rendre compte que leur tristesse profonde, voire leurs pensées suicidaires, n’ont rien de normal. Aussi, bien que la reprise du travail à elle seule n’explique pas la survenue de la dépression post-partum, celle-ci peut agir comme un catalyseur. “Avec le stress lié à la conciliation de la vie pro et perso, la charge mentale peut s’accentuer et faire basculer du baby blues à la dépression post-partum”, souligne Hanna Muller.
Chez moka.care, nous considérons que la dépression post-partum est un sujet face auquel les entreprises ne peuvent pas détourner le regard. “On est à la jonction du professionnel et du personnel, sachant que les entreprises ont une responsabilité envers le bien-être physique et psychique de leurs employés”, affirme notre psychologue référente. Les entreprises peuvent agir en mettant en place un environnement de travail compréhensif et en instaurant des politiques visant à soutenir la santé mentale à l’image de ces propositions :
En tant que collègue et encore plus manager, il est important d’être sensibilisé à la thématique de la santé mentale de manière générale à travers des formations, conférences, événements. Il ne s’agit pas de poser un diagnostic, ce qui serait déplacé, mais plutôt d’identifier des signaux faibles permettant d’entamer une discussion avec l’employée qui vient d’être mère. “C’est souvent par pudeur, timidité ou méconnaissance du sujet, que les entreprises n’agissent pas”, souligne Hanna Muller. Les signaux à connaître sont : un changement soudain de comportement, un repli sur soi, une diminution de la productivité, des erreurs inhabituelles, des absences fréquentes, une baisse de participation aux interactions sociales au travail, sans oublier le stress, la fatigue et des commentaires évoquant la difficulté à jongler entre le travail et la vie personnelle.
Pour Hanna Muller, encourager la communication dans un environnement où les salariés se sentent sécurisés et à l’aise, sans qu’ils craignent une quelconque forme de jugement, est l’une des clés pour accompagner un retour de congé maternité. Le manque de communication, c’est justement ce qui a manqué à Clémentine lors de son retour au travail : “ma manager n’était pas une mauvaise personne, mais elle ne comprenait pas ma situation. Par exemple, elle estimait que finir à 18H, c’était des horaires aménagés. De plus, alors que j’avais signalé ma détresse, elle n’a jamais fait remonter à mon N+2 qui est tombé des nues quand il a appris mon départ”, explique-t-elle. Notre psychologue recommande aussi de prévoir des one-one réguliers, et pas uniquement les premiers mois. “Il faut avoir conscience que la vie d’un jeune parent est largement chamboulée pendant les premières années de l’enfant, pas uniquement les premières semaines”, affirme Hanna Muller.
Télétravail, horaires aménagés, réunions positionnées ni trop tôt le matin, ni trop tard l’après-midi, possibilité de reprendre à temps partiel : voilà des mesures plébiscitées par les jeunes parents. Dans le cas de Clémentine, c’est justement le manque de flexibilité qui a l’a définitivement fait basculer : “j’aurais apprécié de pouvoir faire plus de télétravail. De plus, il aurait été idéal de pouvoir reprendre à 80% tout en étant rémunérée à 100%”, affirme-t-elle. Ce type de mesure permet aux jeunes parents de pouvoir mieux concilier leur vie pro et perso, et souvent d’éviter le décrochage. Dans le cas de Clémentine, après un mois d’arrêt, son retour en entreprise n’a duré que 4 mois. “J’ai fini par démissionner sur les conseils de mon mari qui me ramassait à la petite cuillère tous les soirs”, se souvient-elle.
“Parfois, il suffit juste d’avoir une personne de confiance au sein de l’entreprise pour se sentir mieux”, affirme Hanna Muller. La mise en place d’un programme de soutien comme un groupe de parents au sein de l’entreprise, ou encore d’un système de buddies pour les jeunes mères ou pères qui rentrent du travail, peuvent être de bonnes pistes pour ouvrir le dialogue. “La possibilité de parler à des professionnels à l’extérieur de l’entreprise me semble aussi être très pertinente pour les jeunes parents”, lance de son côté Amandine.
Réonboarding digne de ce nom après un congé maternité, adaptation de la charge de travail, congé enfant malade, rémunération adaptée selon le nombre d’enfants à charge, politiques de promotions, aide dans les démarches administratives, mise en place d’une garderie sur le lieu de travail, instauration de rendez-vous obligatoires pour les jeunes parents … Tous ces éléments permettent de dessiner les contours d’une politique parentale offrant davantage de sérénité financière et organisationnelle aux jeunes pères et mères. Autant de facteurs de protection contre la dépression post-partum, qui sont également de précieux atouts pour favoriser la rétention des talents.
Enfin, il est important de se rappeler que chaque expérience de la maternité est unique, et que les besoins d’une mère peuvent varier d’une femme à l’autre. “On peut avoir une mère qui veut passer en 4/5 ème ou au contraire qui désire s’épanouir davantage dans sa carrière. Ne la privez pas d’un grand projet qui peut être stimulant pour elle, au prétexte de vouloir la protéger”, explique notre psychologue référente. Bref, ne pensez pas à sa place et laissez la jeune mère s’exprimer.
Pour favoriser les politiques en faveur de la parentalité, le Parental challenge est un guide et une charte d’engagement en faveur d’une politique parent-friendly. De bonnes pistes à explorer pour accompagner au mieux les femmes au retour de congé maternité.
Paulina Jonquères d'Oriola
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