Entre la multiplication des conflits armés, l’instabilité politique ambiante ou encore la crise climatique, l’actualité est plus que chargée et peut retentir sur la santé mentale des collaborateurs. Mais est-ce le rôle de l’entreprise d’aborder ces sujets ? Et si oui, de quelle façon ?
C’est aujourd’hui un fait avéré : depuis la crise sanitaire, la santé mentale des salariés ne cesse de se dégrader comme le confirme le
12e baromètre du cabinet Empreinte Humaine avec OpinionWay. En augmentation de 4 points par rapport à février 2023, la détresse psychologique toucherait désormais 48 % des salariés, dont 17 % de manière très élevée.
En tant que professionnelle de santé, je suis particulièrement inquiète pour les jeunes générations, avec notamment une augmentation de la prise d'anxiolytique et des syndrômes anxio-dépressifs. Bien sûr, chaque personne a ses fragilités personnelles, mais on note un manque global de confiance et d’espérance en l’avenir”, analyse Sylvie Chauvin, psychologue référente moka.care.
Nous évoluons aujourd’hui dans un monde BANI
Cette instabilité permanente est bien retranscrite par le concept de monde VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) et de monde BANI (Brittle, Anxious, Non-linear, Incomprehensible).
En clair, le monde était déjà complexe dans les années 90, mais il l’est encore plus aujourd’hui. L’anxiété explose avec les réseaux sociaux, tout comme la désinformation. De manière globale, nous manquons clairement de repères, analyse Sylvie Chauvin.
Que l’on soit collaborateur, manager, RH ou dirigeant, nous vivons tous dans le même monde, et sommes irrémédiablement touchés par les mêmes actualités. Dès lors, faut-il en discuter ouvertement, voire prendre les devants en tant qu’entreprise ? Vaste problématique qui mérite qu’on y accorde un temps de réflexion.
Pour Alexandre Imbeaux, Head of Talent Management Products chez Lucca, il n’existe pas de réponse préconçue. Pour autant, il est intéressant de distinguer deux types d’événements.
Résultat des courses, Alexandre Imbeaux estime qu’il convient d’aborder ces sujets brûlants lorsqu’ils ont un impact direct sur le business (catégorie n°1). Pour Sylvie Chauvin, c’est d’autant plus important que l’entreprise est responsable de la santé et de la sécurité de ses collaborateurs : “J’ai déjà vu des collaborateurs reprocher à leur entreprise de ne pas prendre des mesures de sécurité suffisamment tôt”.
En revanche, nos différents interlocuteurs ne pensent pas que l’entreprise, qui est a priori un espace apolitique, doive s’engager sur tous les sujets. Le Head of Talent Management Products nous explique aussi que chez Lucca, l’indépendance d’esprit est l’une des valeurs clefs. Par principe, on ne parle pas de politique dans l’entreprise. “Nous ne sommes pas une entreprise à mission et notre seul combat est celui d'aider les RH à améliorer l'environnement de travail de leurs salariés”, précise-t-il.
Cependant, il existe une nuance sur certains sujets. Par exemple, une entreprise ne pourra pas laisser passer des propos discriminatoires. De plus, certains sujets peuvent être remontés par les salariés via le CSE, et exiger une prise de position de l’entreprise. “De plus en plus de salariés attendent de leur entreprise qu’elle défende des causes et s’engage dans une démarche plus éthique et responsable”, poursuit Alexandre Imbeaux.
“C’est le cas dans les entreprises à mission qui se doivent d’inscrire ces engagements dans leur feuille de route. On sait d’ailleurs que les entreprises qui s’adaptent à leur environnement sont plus inclusives, améliorent leur taux d’engagement et sont plus profitables”, décrit la psychologue référente moka.care.
Lorsque les actualités viennent impacter le business, il s’agit le plus souvent de mettre en place des dispositifs de gestion de crise : les RH et la Direction doivent communiquer selon un calendrier bien défini pour donner de la perspective aux collaborateurs.
Christophe, un C-Level qui évolue dans une entreprise récemment rachetée par un groupe israélien, nous fournit un exemple de cette situation. “Quand nous avons appris ce rachat, certaines personnes ont démissionné par conviction politique. De plus, des collaborateurs ont eu peur pour leur sécurité, en se demandant s’il faudrait aller faire des réunions sur un territoire en guerre. Le groupe a donc voulu nous rassurer : l’entreprise ne prendra jamais position par rapport au conflit, et nous n’irons pas faire de réunion en Israël”, nous raconte-t-il.
Certes, l’entreprise ne peut pas s’engager sur tous les sujets. “En revanche, je crois qu’elle ne peut pas détourner le regard si ses collaborateurs sont affectés par les mauvaises nouvelles du monde et que cela se ressent sur leur engagement et performance au travail”, lance Gilles Meyer, coach et spécialiste en santé mentale positive.
En d’autres termes, l’entreprise ne peut pas agir sur tous les sujets, en revanche, elle se doit de faire attention aux signaux faibles pouvant alerter sur le démarrage d’un burnout ou d’un syndrome anxio dépressif lié l’environnement : un manque d’entrain, un discours négatif, une irritabilité, un retrait des événements sociaux, des erreurs inhabituelles, de l’absentéisme… “Pour moi, le rôle de l’entreprise est ici d’offrir aux collaborateurs un cadre sécurisant et des outils pour mieux gérer les sujets qui les affectent”, poursuit notre interviewé.
Pour ce faire, plusieurs dispositifs peuvent être mis en place :
D’un point de vue plus structurel :
Former les managers à l’écoute active. De manière générale, un collaborateur sera d’autant plus à l’aise pour s’exprimer qu’il se sentira écouté et accueilli dans ses émotions, quelles qu’elles soient. Pour cela, l’écoute active demeure le meilleur outil à mettre entre les mains des managers de proximité pour soutenir leurs collaborateurs.
Former des ressources en interne sur les sujets de la santé mentale. Parce que la santé mentale est l’affaire de tous, et pas que des RH et du manager, il peut être intéressant de compter sur un maillage de collaborateurs formés à détecter les signaux faibles.
Renvoyer vers le personnel compétent. Le rôle de ces premiers lanceurs d’alerte est ensuite de renvoyer le collaborateur en souffrance vers la médecine du travail, une cellule d’écoute, un groupe de parole etc..
Encourager l’action via les congés de solidarité. Parce que l’anxiété n’est autre que la peur de la peur, Sylvie Chauvin recommande le meilleur des remèdes : l’action ! “Je le vois chez les patients que je suis en consultation. Ceux qui travaillent dans des entreprises à mission ou encore qui s’engagent dans des actions de solidarité sont souvent en meilleure santé mentale”, affirme-t-elle. Alors, l'entreprise peut agir à son échelle en mettant en place des congés de solidarité, comme cela existe dans certaines entreprises. Il s’agit d’offrir des congés spécifiques pour que les collaborateurs mènent des actions communes auprès d’associations.
D’un point de vue plus individuel :
Aider les collaborateurs à sortir de la spirale négative des informations angoissantes. Pour ce faire, Gilles Meyer propose d’encourager les collaborateurs à ne pas rester branchés en permanence sur les chaînes d’information qui n’évoquent presque que des mauvaises nouvelles. “Le cerveau a une appétence pour le négatif, ce qui va entretenir cette spirale infernale. C’est pourquoi il faut éviter de trop s’exposer à ces nouvelles en limitant son temps d’écoute par exemple, et en parcourant aussi les médias “positifs”, recommande-t-il.
Cultiver le positif. Sans nier les difficultés que nous traversons actuellement, il s’agit également de réhabiliter les événements positifs autour de soi. Pour ce faire, Gilles Meyer recommande la méthode de Barbara Fredrickson pour rétablir un bon ratio d'optimisme. Elle préconise d'augmenter les expériences positives au quotidien (joie, curiosité, gratitude, sérénité) pour contrebalancer les émotions négatives, idéalement dans un ratio de 3:1. Ce déséquilibre en faveur du positif favorise la résilience, la créativité et le bien-être durable.
Désamorcer les ruminations négatives. Nous avons tous en nous cette petite radio intérieure qui ne nous apporte pas que du bon. “Il s’agit donc de neutraliser ces ruminations qui peuvent prendre une place considérable”, recommande notre interlocuteur qui s’appuie, entre autres, sur la technique de Rick Hanson, appelée "Taking in the Good". Elle consiste à rediriger son attention sur les expériences positives afin de les transformer en ressources durables pour le cerveau. Elle repose sur trois étapes : remarquer les moments agréables, les savourer consciemment, puis les intégrer profondément en les revivant mentalement. Cela permet de contrebalancer les ruminations négatives en reprogrammant le cerveau pour privilégier le positif.
A retenir : L’entreprise doit communiquer sur les actualités difficiles lorsque celles-ci impactent le business. Bien qu’elle ne puisse pas s’engager sur tous les sujets qui affectent les collaborateurs, et ne touchent pas directement le business, elle peut cependant les aider à prendre conscience de leur exposition aux informations et travailleur leur attention.
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