Parce qu’il comporte un fort risque de rechute, le burn-out doit être pris et traité avec sérieux, tant par les personnes qui en souffrent que par les entreprises qui font toujours partie du problème… et par là même de la solution.
C’est arrivé sans prévenir un lundi matin. Julie* n’a pas pu se lever de son lit, comme si elle avait subitement “les jambes coupées”. Alors cheffe de projet dans une agence de communication, elle a nié les signaux d’alarme pendant les mois qui ont précédé son burn-out. La fatigue constante, le stress, les pleurs chaque matin, puis l’incapacité à réfléchir jusqu’à ne plus parvenir à rédiger trois phrases dans un email. Ce fut ensuite le cercle vicieux de la culpabilité. Julie reste toujours plus tard pour toujours moins de performance : “j’ai eu deux enfants très rapprochés, alors je me suis dit que c’était moi qui n’arrivais pas à tout concilier. Je n’avais pas pris le recul sur ce qui se passait dans mon entreprise, alors que je subissais une forte pression avec de surcroît une manager toxique qui soufflait le chaud et le froid et m’humiliait régulièrement”.
Alors qu’elle se rend chez son médecin pour demander à être arrêtée une seule journée, Julie est finalement exhortée à se reposer trois semaines, et surtout, à ne plus jamais retourner dans son entreprise si elle souhaite “sauver sa peau” pour reprendre l’expression de la généraliste qui la reçoit. “C’est vrai qu’à cette époque, j’avais des idées très noires”, nous confie-t-elle. Après un premier coup de fil assassin de sa manager qui finit de l’achever, Julie reçoit finalement une proposition de rupture conventionnelle. Et pour cause, elle apprend dans le même temps que l’une de ses anciennes collègues est à l'hôpital, elle-aussi victime des dérives de son entreprise. Après avoir voulu se défausser, son entreprise se retrouve alors obligée de jouer patte blanche puisque le cas de Julie est loin d’être isolé.
“J’étais soulagée d’avoir cette rupture, j’avais l’impression de m’être sauvé la vie, et en même temps, j’avais un goût amer d’échec, parce que je suis une personne très consciencieuse”, se souvient-elle. Pourtant, cet arrêt forcé signe aussi le début de sa reconstruction. Elle est d’abord physique : du sommeil et de longues vacances en famille. Puis Julie rencontre une psychologue par l’intermédiaire de Pôle Emploi qui l’aide à trouver de nouveaux horizons professionnels. Car à l’époque, sa seule certitude est de ne plus jamais vouloir remettre un pied dans une agence de communication. La psychologue l’interroge alors sur ses rêves d’enfant. Julie évoque son désir premier de devenir journaliste, abandonné au profit d’un job moins concurrentiel. “C’est là que la psychologue m’encourage à reprendre mes études dans cette voie. Je ris aux éclats. J’ai déjà 30 ans, 2 enfants, et un crédit immobilier. Mais elle insiste et me parle d’une formation financée par la région”, se souvient Julie.
“Ma reconversion a été ma thérapie.”
Finalement, parce qu’elle n’a rien à perdre, la jeune maman décide de tenter le concours. Bien qu’elle ne se juge pas à la hauteur, elle intègre la promo haut la main et en termine major. “J’étais épuisée le soir, je me couchais à 20H. Mais cela m’a donné un regain de confiance”, se souvient Julie. Un pas après l’autre, elle se reconstruit jusqu’à se demander comment gagner sa vie en embrassant ce nouveau chemin. Elle décide alors avec beaucoup de courage de postuler à un stage dans un média qu’elle admire. Sa candidature acceptée, elle se sent rapidement à sa place dans cet univers. Les étoiles s’alignent et même si elle ne parvient pas du premier coup à décrocher un job, ses piges la mènent ensuite vers un CDD puis aujourd’hui un CDI. “J’ai pu reconquérir mon estime, et, contre toute attente, j’ai même fini par écrire un livre sur le burn-out. J’ai fait des choses dont je ne me serais jamais sentie capable, comme prendre la parole devant 300 personnes”, se réjouit-elle. Pour Julie, c’est certain, sa reconversion a pansé ses plaies et agit comme une thérapie.
Parce qu’il est le premier acteur de sa guérison, le sujet victime d’un burn-out va pouvoir mettre en œuvre différentes ressources. Pour autant, s’il décide de réintégrer les rangs de son entreprise, celle-ci sera alors totalement co-responsable de la réussite de ce retour au travail. Nous vous proposons donc d’explorer les deux facettes d’une même pièce pour entamer ou accompagner ce processus de reconstruction.
La première étape de la reconstruction démarre le jour où le burn-out se déclenche. “Si malgré les premiers signes d'épuisement professionnel comme décrits par Julie (pleurs fréquents, difficultés de concentration, fatigue constante, etc.) la personne n'est pas prise en charge, alors elle risque une décompensation, c'est-à-dire une dégradation brutale de son état physique et/ou psychologique - ce que Julie décrit avec le sentiment d'avoir eu les jambes coupées”, explique Louise Pereira, psychologue du travail pour moka.care. Le passage par la case généraliste est alors souvent la première étape de la prise en charge. S’il ne va pas nécessairement poser le mot “burn-out” sur les maux du travailleur, le médecin va fournir un arrêt de travail de plusieurs semaines (qui pourra ensuite être prolongé), afin que le patient puisse retrouver sa santé physique et mentale.
Durant cette période de repos, loin de la sphère professionnelle, il est vivement recommandé d’entamer une prise en charge pluridisciplinaire. Outre le suivi par le généraliste (chargé de coordonner le parcours du patient), l’accompagnement avec un psychologue, coach ou tout autre thérapeute spécialisé dans le burn-out va aider l’individu à prendre du recul sur ce qu’il s’est passé. “Il va s’agir d’évoquer ce qui a créé du stress pour identifier les facteurs de risques responsables de la situation”, conseille notre psychologue. Une thérapie psycho-corporelle peut aussi être bénéfique pour recréer du lien entre le mental et le corps dont les signaux de détresse ont été ignorés. “Il est important de comprendre que toute sensation dans le corps nous informe sur ce que l’on ressent”, poursuit l’experte.
A la différence d’une fatigue passagère liée à une surcharge de travail ponctuelle, on observe que de plus en plus de burn-out surviennent en raison notamment d’un conflit de valeur. Cette pause est alors l'occasion de mener une introspection en profondeur pour déterminer les mécanismes qui ont mené au déclenchement du burn-out afin non seulement de ne pas les reproduire, mais surtout de construire un nouveau projet - dans ou en dehors - de l’entreprise. “Quelque part, il faut accepter de faire le deuil professionnel de la personne que l’on était avant pour avancer. Cela peut passer par travailler sur le fait de dire non, d’apprendre à déconnecter etc”, recommande Louise Pereira.
Il est impossible de donner une durée précise du temps qui s’avère nécessaire pour se reconstruire et pouvoir envisager un retour au bureau. “Il est essentiel de ne pas se comparer avec d’autres personnes qui ont vécu un burn-out. Pour certains, quelques mois suffiront, pour d’autres, cela se comptera en années”, martèle notre psychologue. Il faut aussi avoir conscience que si l’on choisit de retourner dans son entreprise, il s’agira de ne pas retrouver les mêmes conditions mais de s’assurer que des mesures de protection ont bien été mises en œuvre. D’ailleurs, il faut avoir conscience que cette reprise ne se fait généralement pas à temps plein. Dans tous les cas, il est vivement conseillé que le retour au travail soit assorti d’un suivi psychologique et d’une forte attention portée à l’apparition éventuelle de nouveaux signaux de détresse.
Sur ce chemin de reconstruction, il ne faut pas hésiter à repousser le champ des possibles et investiguer toutes les ressources qui s’offrent en matière de formation, de financement etc. “C’est important de ne pas s’arrêter au premier obstacle rencontré, sous peine de risquer une nouvelle rechute parce que l’on ne s’est pas autorisé à explorer nos envies profondes”, poursuit Louise Pereira. L’histoire de Julie en est la parfaite illustration !
“On a souvent tendance à dire qu’un salarié qui fait un burn-out est tout simplement surinvesti. Mais aucun travailleur n’est responsable de son burn-out, même s’il existe des facteurs de risques personnels. Dans tous les cas, l’entreprise n’a pas su protéger son salarié”, analyse Louise Pereira. Acter cette responsabilité peut consister à réaliser un audit des risques psychosociaux dans l’entreprise pour identifier les facteurs de risques avec objectivité, puis pouvoir mettre en place les mesures de prévention et de protection afin d’éviter que nouveaux burn-outs se reproduisent.
En plus de mettre en place des formations sur des sujets comme la prévention individuelle du stress ou encore le monitoring de la charge de travail, nous considérons chez moka.care que la réelle prise en charge des risques psychosociaux ne peut pas se faire sans mener une réflexion éthique sur la manière dont sont considérés les employés. “ L’entreprise nourrit-elle une attitude humaniste à leur égard, ou a-t-elle une vision plus utilitariste ?”, lance la psychologue. Le management toxique puise généralement ses racines dans une culture d’entreprise, qui, même inconsciemment, favorise cette exploitation jusqu’au boutiste du capital humain.
Lorsqu’un salarié est en congé maladie, son entreprise n’a pas l’autorisation de le contacter. Bien sûr, les collègues avec qui il s’entend bien sont libres de lui envoyer des messages de soutien, mais il faut savoir que le salarié n’a pas l’obligation de communiquer le motif de son arrêt de travail, et qu’il est le seul apte à décider s’il désire ou non en informer les membres de son équipe. “C’est d’autant plus important de respecter cette distance que le salarié en burn-out a besoin de s’éloigner du travail pour guérir”, rappelle notre psychologue.
Avant la reprise du travail, le salarié est invité à une prévisite avec le médecin du travail qui proposera le plus souvent un mi-temps thérapeutique. Chez moka.care, nous recommandons également aux entreprises d’organiser une rencontre entre le salarié, le manager et les RH pour revenir sur ce qui s’est passé, puis demander au collaborateur comment il souhaite être réintégré au collectif de travail. Par exemple, souhaite-t-il ou non qu’on lui organise un petit déjeuner de bienvenue. A noter que si le burn-out est lié à une problématique de management toxique ou de harcèlement, et que le manager n’a pas été licencié (l’enquête n’a pas abouti), il est possible de procéder à une médiation. “Heureusement, quand le salarié décide de revenir c’est que généralement, des mesures ont été prises et qu’il a confiance en son entreprise”, concède Louise Pereira.
Une fois le collaborateur revenu à son poste et après avoir assuré la gestion de son retour de burn-out, il est essentiel d’assurer un suivi sur la durée. Cela peut se faire via un point hebdomadaire avec le manager et/ou le RH pendant les 4 ou 5 premiers mois afin de suivre une feuille de route. “Il faut à tout prix monitorer la charge de travail et mettre en place les bonnes pratiques pour éviter que la situation ne dérape à nouveau”, martèle notre experte. Le but étant de s’assurer que le collaborateur se sente suffisamment écouté pour s’exprimer s’il venait à nouveau à se sentir mal.
N'oublions pas non plus que sur ce long chemin de reconstruction, le dialogue avec le reste de l’équipe demeure fondamental, notamment pour expliquer que la reprise à mi-temps thérapeutique n’est pas un cadeau offert au salarié, mais une nécessité pour sa santé. Enfin, retenons que le sentiment de sécurité psychologique chez les collaborateurs est encore le meilleur passeport pour éviter de nouveaux cas de burn-out dans l’entreprise.
*Le prénom a été modifié.
Paulina Jonquères d'Oriola
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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