Le moral des dirigeants serait-il particulièrement atteint ces derniers mois ? En tout cas, leur indicateur d’optimisme est passé de 97 points en juin 2023 à 77 en décembre 2023 (étude OpinionWay x CCI France). Une baisse spectaculaire qui s’explique par des conditions économiques difficiles, mais qui révèle aussi les failles du mythe de l'entrepreneur.
On l’avait prévenu : “monter sa boîte, ce n’est pas un sprint mais un marathon. Il faut maîtriser son effort sur la durée”. Pourtant, à l’image de ses comparses entrepreneurs, elle a foncé tête baissée dans l’aventure, sans se laisser d’autre option que la réussite.
“Je ne voulais pas être l’entrepreneure qui échoue, alors, durant les premières années, je me suis investie à 1000% jusqu’à oublier que je n’étais pas qu’un cerveau”, nous confie Clotilde Petit, cofondatrice de PulseLife.
Mais à force de tirer sur la corde, son corps a fini par lui lancer des messages d’alerte : un lumbago, puis par la suite, des chutes de tension à répétition. “Cette année a été particulièrement difficile pour nous les entrepreneurs, car on a demandé au monde de la Tech de passer d’un objectif de croissance à un objectif de rentabilité à court terme ce qui impacte fortement l’organisation de l’équipe”, poursuit-elle.
Une pression qui a largement ébranlé l’écosystème de la Tech, comme nous le confie un autre entrepreneur dont la startup figure parmi le French Tech Next 120. “Je vais bien aujourd’hui, mais j’ai moi-aussi beaucoup tiré sur la corde en fin d’année. J’étais dans le mythe qu’il fallait travailler en permanence, comme si je devais me prouver à moi-même que j’étais une machine, et qu'il fallait que je sois partout, que j'intervienne sur tout ou du moins un maximum de sujets !”, nous raconte Arnaud Delubac, cofondateur de Greenly.
Il y a encore quelques mois, les journées de l’entrepreneur démarraient à 9H30 pour finir sur les coups de minuit / 1h du matin. Et avec des semaines de 6 jours de travail le plus souvent. Par la force des choses, sa vie sociale, familiale et sentimentale s’en sont logiquement retrouvées impactées.
“Mes proches me disaient que j’étais totalement hors sol à cause de mon incapacité à pouvoir me déconnecter plus de 30 secondes, et cela me faisait sourire. Je me disais qu'ils ne connaissaient pas ce monde dans lequel j'évoluais, et que leur réaction était tout à fait normale vue de l'extérieur.”, ajoute-t-il.
Sa santé physique aussi n’a pas été épargnée : une perte de plusieurs points sur la vue, des chutes de tension par moment et des maladies chroniques (sans gravité) à répétition. Au bureau, son habituelle propension à arrondir les angles s’était-elle aussi évaporée, laissant la place à une posture plus rigide. “Je remarquais que j'étais de moins en moins patient dans la résolution des problèmes quotidiens. Que je voulais expédier les sujets beaucoup plus rapidement sans me laisser le temps de la réflexion et de prendre de la hauteur”, lance-t-il.
“En soi, être entrepreneur, c'est déjà irrationnel. Pour Schumpeter, l'entrepreneur est "celui qui nage à contre-courant". Je trouve que cela illustre bien notre quotidien. Tous les jours, nous devons résoudre des problèmes que nous découvrons souvent pour la première fois, le tout avec très peu de moyens”, lance Guillaume d’Ayguesvives, Directeur Général de moka.care.
Pour autant, notre cofondateur le sait : en tant qu’étendard de la santé mentale en entreprise, la sienne est particulièrement scrutée. “On attend de moi que je sois tout le temps au top, ce qui peut ajouter une pression supplémentaire”, admet-il. Mais comme ses homologues, lui non plus n’échappe pas aux difficultés inhérentes à la vie d'entrepreneur. “Le plus difficile pour moi, c’est que l’on se donne à 1000%, sans que la réussite ne soit toujours au rendez-vous. On ne se bat pas contre les critères de performance de son manager, mais contre des barrières à l'entrée d'un marché et contre la maturité de celui-ci. Alors, on peut ressentir un sentiment d’injustice. C’est très différent de lorsque j’étais salarié”, analyse-t-il.
En d’autres termes, l’échec est particulièrement compliqué à digérer pour les porteurs de projet. “Les créateurs d'entreprise ont souvent des profils de “bons élèves” (l’archétype classe prépa et grande école de commerce est loin d’être un stéréotype), avec un haut niveau d’énergie et une capacité à proposer sans cesse des idées. L’échec est particulièrement terrifiant pour eux car ils ne l’ont généralement pas connu, surtout s’il s’agit de leur première aventure entrepreneuriale”, relève Sylvie Chauvin, psychologue pour moka.care.
Pour le cofondateur de Greenly, c’est plutôt le caractère mouvant de la pression qui s’avère harassant au quotidien. “On ne sait jamais de quoi la journée sera faite. On peut parfois se retrouver avec plusieurs sujets extrêmement complexes à traiter en même temps”, illustre-t-il. Un avis partagé par la COO de PulseLife qui se retrouve elle-aussi à devoir éteindre les départs de feu, sans autre choix que de ressortir la bonne vieille matrice d’Eisenhower “urgent” et “important”, et d’adapter son niveau d’exigence selon les sujets traités.
Bien entendu, les problèmes de trésorerie sont l’autre bête noire des entrepreneurs, en particulier pour les startups en attente de levée de fonds. “Avant de clôturer la nôtre, j’étais moi-même dans l’incertitude, mais je devais rassurer les équipes sur le fait que ce n'était qu'une question de temps, et que nous étions très confiants sur sa clôture en un temps particulièrement serré. J’engageais ma parole et ma crédibilité pour un sujet sur lequel nous n'avions qu'une pièce du puzzle, l'autre venant du marché et de la conjoncture économique”, relate Arnaud Delubac. Porter la responsabilité de ses collaborateurs, en leur assurant leur salaire à la fin du mois, mais aussi une bonne expérience humaine au sein de l’entreprise, représente également un vrai sujet pour Clotilde Petit. “En ce moment, ce qui me travaille le plus, ce sont mes émotions. J’ai tendance à mettre beaucoup d’affect, donc quand des tensions naissent avec un employé, je le vis très mal”, nous confie-t-elle, tout en admettant qu’en dépit de leur caractère éreintant, ces remises en question sont également très riches humainement.
Pour couronner le tout, les entrepreneurs se retrouvent souvent très isolés de par leur position dans l’organigramme, mais aussi en raison des attentes que la société nourrit à leur égard. “La plupart des dirigeants que je reçois en consultation ont peur de communiquer sur leurs difficultés par crainte d’impacter négativement leur business”, rapporte Kevin Recorbet, coach et formateur en PNL et neurosciences. En effet, vous ne verrez que peu de dirigeants s’ouvrir publiquement sur leur passage à vide, à moins que cela ne participe à leur personal branding et serve leur business. Il est vrai que les émotions des dirigeants étant particulièrement contagieuses, on ne peut raisonnablement les imaginer s’effondrer devant leurs équipes.
Pour Arnaud Delubac, il est évident que le dirigeant doit se montrer solide face à ses équipes et ses investisseurs. Ses doutes ou coups de mou, il les garde en son for intérieur : “honnêtement, ce n’est pas quelque chose dont je parle avec mes cofondateurs, pas plus qu’avec des membres de l’écosystème car tout le monde se connaît”, admet-il. De son côté, si elle ne s’étend pas non plus sur ses états d’âme, Clotilde Petit compte cependant sur ses proches, sa famille et ses cofondateurs, pour “partager le fardeau”, comme elle nous l’explique : “J'ai toujours partagé mes difficultés avec mes associés, mon entourage familial et mon réseau d'amis entrepreneurs et je suis très à l'aise avec ça ”. Quant à Guillaume d’Ayguesvives, sa proximité avec Pierre-Etienne Bidon (l’autre cofondateur de moka.care) lui permet de relâcher la pression sachant que l’un et l’autre peuvent prendre n’importe lequel des sujets qui inondent leur to-do liste.
Portés par leur projet et l’envie irrépressible de réussir, les limites physiques et mentales des entrepreneurs sont souvent plus éloignées que celles du commun des mortels. Pour autant, eux non-plus n’échappent pas à la réalité de notre condition humaine. Une étude de AIPALS a mis en avant un risque de burn-out pour 1 dirigeant sur 2 (50,9%). Ce risque serait même très élevé pour 9,7% des répondants (étude réalisée auprès de 256 chefs d’entreprise dont la majorité sont dirigeants d’une TPE). Or, il faut savoir que plus on va au-delà de sa fatigue dans la durée, plus la déflagration peut être violente et le temps de récupération long. Prendre soin de sa santé physique et mentale en tant que dirigeant n’est donc pas une option, mais une nécessité.
“Chez moka.care, nous reprenons souvent l’image du masque à oxygène. Il faut d’abord le mettre sur soi avant de pouvoir aider les autres. Sinon, on conduit toute l’entreprise à sa perte. Plus les dirigeants utilisent notre service de soutien psychologique, plus on observe une amélioration rapide dans toute l’entreprise car il faut d’abord commencer par soi”, affirme Sylvie Chauvin, psychologue référente.
Toutefois, ceux qui acceptent de travailler sur leur santé mentale à l'image des champions /sportifs de haut niveau interviewés par Guillaume dans le podcast “Les secrets du mental" ont compris et observé chez eux les bienfaits d'un accompagnement.
Une authenticité qui va également de paire avec le concept de sécurité psychologique, qui démontre qu’une équipe qui performe est avant tout celle dans laquelle chacun ose faire remonter les problèmes à la surface. “Il est vrai que les collaborateurs aujourd’hui sont en quête de sens et d’humanité, c’est bien de montrer que les fondateurs d’une entreprise ne sont pas que des bulldozers”, concède Arnaud qui verrait d’un bon oeil la création d’une journée dédiée à la santé mentale des entrepreneurs.
Depuis son passage difficile de fin d'année, Arnaud a ralenti de quelques heures, en ne travaillant “plus que” jusqu’à 20h30/21:00. Il organise également des rencontres avec d'autres entrepreneurs et en profite pour se rendre à davantage d'évènements de networking, ce qui lui semblait être une perte de temps complet il y a encore quelques mois. Le sport est également entré dans sa vie à raison de deux fois par semaine. Clotilde aussi sort courir pour se vider la tête, mais c’est avant tout sa vie de famille qui lui impose des garde-fous. Mère de trois enfants, elle s’impose de rentrer chaque soir à 19h, même si cela ne l’empêche pas de retravailler après 21h.
Quant à Guillaume, ses journées s’achèvent autour de 20h30 au bureau, mais notre co-CEO prend toujours garde à s’offrir une vraie pause déjeuner le midi. De plus, finies les nocturnes du dimanche soir, il n’ouvre son ordinateur plus qu’une trentaine de minutes pour préparer sa semaine. Il s'interdit aussi d’envoyer des messages à ses collaborateurs le week-end, sauf si une urgence l’impose. “De plus, si je suis vraiment fatigué au réveil, je sais que 10 minutes de méditation peuvent sincèrement me faire gagner plusieurs heures de productivité par jour : je retrouve en concentration, en lucidité et surtout je me sens bien”, nous confie-t-il.
Pour le co-CEO de moka.care, parvenir à maintenir un bon équilibre vie pro/perso se joue avant tout dans la capacité à gérer son niveau d’énergie. “Je crois que c'est avant tout une question d'énergie avant d'être une question de temps. Quand on est épuisé, on peut avoir tendance à se replier sur soi, à ouvrir Instagram par exemple en se disant qu’on va se reposer. Je crois qu’il faut absolument sortir de cette passivité qui engendre un cercle vicieux, avec toujours moins d’énergie”, analyse-t-il.
De son côté, le coach Kevin Recorbet conseille l’écriture pour sortir du mode “réaction” aux événements, et ainsi prendre davantage de hauteur. “En écrivant, on rend l’objet palpable. Inconsciemment, le cerveau ne va plus le prendre personnellement et mettre de la distance avec le sujet”, explique-t-il.
Quant à la psychologue Sylvie Chauvin, elle recommande les groupes de co-développement entre entrepreneurs, qui sont soumis à des accords de confidentialité et permettent de s'ouvrir au sein d’espaces sécurisés. "Nous en proposons via l'accompagnement moka.care et ils rencontrent un grand succès." Il existe aussi des communautés sur Slack, ou encore des associations comme 60 000 rebonds qui peuvent être particulièrement aidantes en cas d’échec. “On peut aussi trouver un sparring partner dans la vie de tous les jours avec lequel on se sent en résonance et qui nous aidera sur ces sujets”, ajoute-t-elle.
Enfin, il est essentiel de savoir reconnaître ses propres signaux d’alarme pour être en mesure de lever le pied (acouphènes, psoriasis, insomnies, troubles alimentaires, douleurs musculaires etc). Ces signaux sont envoyés par le corps en guise de protection avant d’arriver au point de rupture. “Je recommande aussi de travailler sur ses propres croyances, notamment celles autour de l’échec, afin d’avancer plus sereinement”, conclut Sylvie Chauvin. Une forme de bienveillance qui n’ôte rien à l’exigence que l’on nourrit envers soi, et qui permet au contraire à l’entrepreneur de tenir sur la durée.
Paulina Jonquères d’Oriola
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