80% des travailleurs dans le monde se sentent déconsidérés en dépit de leur rôle-clé dans le succès de leur entreprise. En France, ce sont plus de 2 salariés sur 5 du secteur privé qui ne se sentent pas reconnus par leur hiérarchie. Valoriser les efforts et les accomplissements est encore loin d’être un réflexe pour les managers et dirigeants. C’est pourtant un facteur clé d’engagement, de motivation et de bien-être au travail. On vous explique.
Cédric a de quoi être fier de lui. Depuis son arrivée au poste d’ingénieur commercial il y a 1 an, il a doublé le taux de réussite aux appels d’offre de son cabinet de conseil en transition environnementale. Anne-Lise, sa manager, lui donne toujours des conseils qui font mouche pour gagner du temps dans la constitution d’un dossier et poser les bonnes questions aux équipes techniques. En revanche, elle n’a pas le compliment facile. Pour le féliciter après son premier contrat remporté, elle lui a envoyé ce message sur Slack : « Beau boulot sur l’AO du ministère, tu nous obtiens le même résultat sur le prochain ? »
Puis plus aucun message, ni à l’écrit ni à l’oral, lorsqu’il a remporté d’autres appels d’offre. Lors de son évaluation annuelle, Anne-Lise a condensé ses retours positifs en 3 minutes, « ne préférant pas s’attarder sur ce qui marchait déjà super bien ». Elle a passé le reste de l’entretien à lister ce qu’il devait revoir pour être plus efficient.
Les performances de Cédric sont au rendez-vous mais il a le sentiment que son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Il commence à lire les messages des recruteurs qu’il ignorait jusqu’ici sur Linkedin.
Cédric n’est pas le premier à se désengager à cause du manque de reconnaissance : 44% des travailleurs ont déjà démissionné pour cette raison. Pourquoi une telle appréhension du leadership pour les félicitations ?
« Dans l’esprit de certains managers, célébrer le succès peut apparaître comme forcé ou artificiel. Ils évitent donc cette pratique qui les met mal à l’aise ou qui risquerait d’entacher la confiance bâtie avec la personne qu’ils managent » constate Sylvie Chauvin, psychologue du travail et ancienne DRH.
Si la reconnaissance n’est pas sincère, elle peut en effet être associée par les collaborateurs à de l’hypocrisie ou de la manipulation pour obtenir plus d’efforts. À l’inverse, en exprimant de la reconnaissance avec des marques de considération et du feedback positif de façon régulière, un manager pourra développer une authenticité qui lui sera bénéfique, tant pour l’assise de sa posture que pour la performance de ses équipes.
« Il faut aussi prendre en compte le poids de la transmission. Si l’on a grandi dans un environnement familial, sportif ou scolaire — parfois les trois à la fois — où nos excellents résultats n’ont jamais reçu de compliments de la part de personnes regardées comme des modèles, il y a de grands risques que l’on reproduise cette indifférence à l’égard du succès en tant que manager » explique Sylvie Chauvin.
Ce résonances anciennes peuvent développer une vision de la réussite qui s’auto-alimente : « atteindre la performance sera une récompense suffisante pour continuer à la viser perpétuellement, comme si elle fonctionnait en circuit fermé » complète la psychologue. Faire un feedback positif sera alors considéré comme un acte qui n’est pas utile et qui prend du temps dans un agenda où chaque action doit compter.
Pour déconstruire ces croyances limitantes chez certains managers, le leadership et les équipes RH ont tout intérêt à développer une culture de la reconnaissance qui se voit et qui se vit dans l’entreprise, avec des moments de célébrations collectives et du feedback positif exprimé régulièrement aux équipes de la part du top management mais aussi des salariés entre eux.
Enfin, il y a l’idée encore répandue que la reconnaissance serait source d’inertie. Pour éviter que leurs collaborateurs ne finissent par se reposer sur leurs lauriers au détriment de leurs objectifs, les managers et les dirigeants se focaliseront sur les axes d’amélioration et les nouveaux objectifs à atteindre. C’est ce que fait Anne-Lise lorsqu’elle bascule en peu de temps de la réussite de Cédric vers les efforts à fournir pour les prochains appels d’offre.
Ce dont la manager de Cédric ne semble pas avoir conscience, c’est que la reconnaissance joue un grand rôle dans la productivité et l’énergie des équipes, et ce n’est pas son seul bénéfice.
La recherche en psychologie sociale et les sciences du management ont largement étudié la relation entre reconnaissance et motivation, en prenant racine dans le travail d’Edward Deci et Richard Ryan. Dans leur théorie de l’auto-détermination établie dans les années 1970, les deux chercheurs ont montré que la reconnaissance contribuait largement à satisfaire chacun des trois besoins psychologiques fondamentaux des individus :
Ces trois besoins vont à leur tour influencer positivement la motivation intrinsèque, autrement dit celle qui nous pousse à agir pour le plaisir recherché et non pas pour la récompense escomptée.
« La reconnaissance est un super-aliment pour la performance au travail. Non seulement elle nourrit les facteurs de motivation intrinsèque mais — étant elle-même une forme de récompense — elle déclenche aussi la motivation extrinsèque. Son impact est total » résume Sylvie Chauvin.
Cet impact se mesure aussi sur le bien-être au travail.
L’entreprise est régie par un principe de réciprocité selon le sociologue Johannes Siegrist. En échange des efforts accomplis, le salarié reçoit une récompense sous plusieurs formes :
Quand ce principe de réciprocité est fragilisé, la santé mentale des collaborateurs est la première affectée. Ainsi dans son modèle ERI (effort-reward imbalance) défini dans les années 1980, le chercheur a montré que plus le déséquilibre efforts-récompense était important, plus les risques de sur-investissement, de stress chronique et d’épuisement s’accentuaient.
Deux décennies plus tard, en 2003, l’universitaire Jean-Pierre Brun et ses collègues ont évalué les effets de la reconnaissance sur l’état psychique de 3 200 employés au Québec. Ceux qui avaient reçu un niveau élevé de reconnaissance de la part de leur responsables avaient vécu moins de détresse psychologique (33%) que ceux qui en recevaient peu (67%).
Si la reconnaissance limite l’apparition des risques psychociaux (RPS), elle est aussi un facteur important de résistance face aux situations professionnelles stressantes et difficiles, en particulier chez les cadres. En cela, on peut la considérer comme une vraie alliée de la prévention secondaire.
« Lorsqu’on exprime à l’autre un feedback positif sur son travail, on lui confirme que les choix qu’il a fait mais aussi les compétences et les techniques qu’il a démontrées ont de la valeur. C’est un booster immédiat de confiance en soi. C’est aussi de la matière pour renforcer son sentiment de contrôle. Plus celui-ci est fort, plus la personne se sentira responsable d’elle-même. Elle pourra alors se concentrer sur ce qu’elle peut contrôler lorsqu’elle vit une période de remous. En renforçant la confiance en soi et le sentiment de contrôle, on vient donc directement renforcer la résilience » explique Sylvie Chauvin.
Plus récemment, l’impact de la reconnaissance a aussi été démontré sur le maintien de la satisfaction au travail lorsque la sécurité de l’emploi est incertaine. L’étude précise par ailleurs que l’impact est encore plus important quand les interactions sociales dans l’entreprise sont positives.
Ou quand reconnaissance et bienveillance marchent de concert pour favoriser un environnement de travail sécurisant et motivant.
Il est temps d’en faire un socle indéboulonnable de la culture managériale
Cet article fait partie d’une série en deux volets sur la reconnaissance au travail. Dans cet autre article, découvrez comment donner une reconnaissance qui motive vraiment, en particulier au moment des entretiens d’évaluation.
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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