Depuis quelques années, la parole se libère autour du harcèlement en entreprise : la médiatisation des procès France Télécom, ou les dénonciations du compte #Balancetastartup ont mis en lumière les comportements nuisibles dont souffraient certains employés au travail.
Cependant, le sujet reste encore mal connu et tabou. Comment différencier management toxique ou directives maladroites ? Comment détecter et régler les situations à risque ? Et surtout, comment les prévenir ?
Humour mal placé, dénigrement, stress injustifié… D’après une étude menée en 2022 par Ipsos et Qualisocial, 35 % des interviewés affirment avoir déjà été victimes de harcèlement au travail, dont 15 % à plusieurs reprises. Plus de 1 salarié sur 3 concerné : l’enjeu est donc primordial pour les entreprises !
Nous avons interrogé deux expertes moka, Camille Sepulchre, thérapeute, et Louise Pereira, psychologue du travail, pour savoir reconnaître le harcèlement au sein de son entreprise et pouvoir y réagir.
Ce premier article est consacré aux différentes formes de harcèlement au travail et leurs conséquences. Une seconde partie vous orientera davantage sur la démarche à suivre si votre entreprise est confrontée à une situation de harcèlement.
Le harcèlement dans le milieu professionnel est particulièrement dur à définir. Le travail et les relations hiérarchiques provoquent parfois des tensions entre les employés, qui ne relèvent pour autant pas nécessairement du harcèlement.
La loi distingue deux formes de harcèlement : le harcèlement sexuel et le harcèlement moral. À cela s’ajoute également une autre forme de harcèlement, validée en 2019 par la jurisprudence lors de l’”affaire France Télécom” : le harcèlement moral institutionnel.
D’après le code du travail (article L1153), le harcèlement sexuel au travail peut se caractériser par :
Le harcèlement sexuel est une infraction, dont l’auteur encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende en présence de certaines circonstances aggravantes définies dans le code pénal (par exemple, si l’harceleur fait preuve d’abus d’autorité).
L’article L1152-1 définit le harcèlement moral en ces termes : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Le harcèlement moral peut donc prendre plusieurs formes. Les situations de harcèlement retenues par Ipsos dans son étude sont les suivantes :
L’auteur du harcèlement peut être une personne unique ou un groupe de personnes ; et il n’y a pas nécessairement de relation hiérarchique entre l’auteur et la victime de harcèlement.
Le harcèlement moral est un délit pouvant être sanctionné par une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende.
Cette notion a fait son entrée dans la jurisprudence en 2019, à l’occasion du verdict rendu par le tribunal correctionnel dans le cadre de l' “affaire France Télécom” (après pas moins de 10 ans d’instruction).
Pour rappeler le contexte : France Télécom avait lancé un plan de restructuration à la fin des années 2000, qui reposait notamment sur la suppression de 22 000 postes (soit 1/5e des effectifs). De ce plan avaient découlées des pratiques “harcelantes” au sein du management, qui ont elles-mêmes entraîné une vague de suicides (60 en trois ans) et de tentatives.
Parmi les pratiques dénoncées, on pourra citer notamment :
Dans le cas du harcèlement moral institutionnel, il n’y a pas de lien direct entre le harceleur et la victime. L’arrêt rendu le formule ainsi : il s’agit de “déterminer si les dirigeants d’une grande entreprise peuvent se voir reprocher des faits de harcèlement moral résultant, non pas de leurs relations individuelles avec leurs salariés, mais de la politique d’entreprise qu’ils avaient conçue et mise en place”.
En analysant le harcèlement de niveau organisationnel, Clémentine Bourgeois, Marc Ohana et Sarah Renault distinguent trois facteurs de harcèlement moral qui se situent au niveau des modes de gestion :
Dans le cas du harcèlement moral institutionnel, ce sont donc l’organisation au global, la politique interne de l’entreprise, la stratégie mise en place par le top management conduisant à une dégradation des conditions de travail pour tous les salariés qui sont sanctionnées. On parle d’ailleurs aussi de harcèlement systémique.
La liste des situations de harcèlement est certes longue… Mais contrairement à ce qu’on entend parfois, cela ne signifie pas “qu’on ne peut plus rien dire ou faire”. Et le risque avec ce genre de remarques, c’est de décrédibiliser le phénomène dans son ensemble.
Alors il est bon de le rappeler : le monde du travail est parfois conflictuel. Les dirigeants ou managers peuvent être amenés à prendre des décisions impopulaires, peu appréciées par leurs équipes. Mais il ne faut surtout pas assimiler une situation de harcèlement avec une situation de désaccord, de frustration, de vexation. Un reproche ou un avertissement justifié par une insuffisance ou un comportement du salarié ne relèvent pas du harcèlement moral.
Comme nous l’avons vu plus haut, les situations de harcèlement moral résultent de faits :
Certains cas de harcèlement peuvent être manifestes : un surnom déplacé que l’on entend à répétition, un mail incendiaire qu’on intercepte, etc. Mais parfois (malheureusement), le harcèlement est plus insidieux, plus discret, et donc, plus délicat à repérer.
Cela est dû à plusieurs facteurs :
Certaines victimes peuvent se sentir coupables de leur vulnérabilité. Par honte, ou même parfois par peur des potentielles conséquences, les harcelés peuvent ne pas oser prendre la parole.
Les situations de harcèlement ont des conséquences lourdes pour les victimes qui les subissent, mais également pour les autres employés de l’entreprise ainsi que l’entreprise elle-même.
Comme l’explique Louise Pereira, notre psychologue référente moka, ce stress a forcément des impacts nocifs sur son mental :
Bien sûr, ces effets nocifs impactent également directement le travail de la victime ainsi que son environnement de travail :
C'est surtout à long terme que les conséquences d'un vécu de harcèlement sont le plus dommageable pour l'individu. Comme nous l'explique Louise Pereira :
Le harcèlement est nocif pour l’estime de soi, ce qui impacte la vie professionnelle et personnelle, et peut entraîner des séquelles physiques ou psychiques durables (fatigue, découragement). C’est pour cela, qu’il faut agir vite !
Les situations de harcèlement créent également des risques importants pour l’entreprise : sa responsabilité pénale peut être engagée.
Comme mentionné dans l’article 4121-1 du code du travail, l’employeur a une obligation de “prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des employés”. À ce titre, l’employeur a le devoir de protéger ses équipes vis-à-vis du harcèlement. C’est une obligation de résultat, qu’il doit accomplir sous peine de sanctions !
Autre conséquence possible : son image peut être durablement affectée. Si ce n’est bien sûr pas comparable aux impacts physiques et psychologiques désastreux pour la victime, ce sont des éléments qui méritent d’être considérés pour vous amener à un maximum de vigilance sur ce sujet.
De plus, la banalisation des comportements de violence interne peut augmenter les risques de harcèlement moral et/ou sexuel. Laisser passer les “blagues” sexistes ou misogynes, c’est ouvrir la porte à de potentiels cas de harcèlement graves.
Enfin, le harcèlement crée également des tensions au sein des équipes : formation de « bandes » ou groupes qui opposent les soutiens de la supposé victime et du supposé agresseur.
On enfonce une porte ouverte, mais le harcèlement ne doit pas être pris à la légère. Il est l’un des principaux facteurs de risques psychosociaux (RPS) dans les entreprises.
Les entreprises ont le devoir (légal) de protéger la santé physique et morale de leurs équipes. Dès lors, elles doivent mettre en place des actions pour prévenir les situations de harcèlement et agir lorsqu'elles se présentent.
Que vous soyez victime ou témoin d’actes de harcèlement, il est crucial de prévenir votre employeur, le CSE, la médecine du travail ou l’inspection du travail pour ouvrir une enquête sur le sujet et que des potentielles sanctions soient proférées. Il est aussi capital de sensibiliser ses équipes sur le sujet du harcèlement pour que tous les collaborateurs en perçoivent les enjeux et y soient sensibilisés.
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* Résultat de l’étude “People at Work 2022” de l’ADP, en Septembre 2022
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