Fabien Pelous est joueur de rugby international. Amateur au départ, le professionnalisme lui est en quelque sorte tombé dessus. Il nous raconte cette carrière lui a apporté en matière de révélation de soi et de construction de son parcours.
"Une carrière plutôt bien remplie et assez prolifique," dit-il"… et finalement une carrière heureuse."
Et avec une carrière heureuse, pourquoi as-tu accepté aujourd’hui de parler de santé mentale ?
Car il est important de parler de l’envers du décors, d’expliquer aux gens comment ça se passe en termes d’émotions. Tout ce qui conditionne cette heure et demi que l’on passe sur le terrain, ca va dépendre de la semaine qui précède. Tout ces ressorts-là, c’est important de les appréhender.
Tu as maintenu un très bon niveau pendant très longtemps. Comment as-tu réussi à garder cette motivation et ce niveau d’exigence aussi important ?
Très tôt j’ai compris que ce qui me plaisait dans ce sport-là. Je ne viens pas du tout d’une famille de rugbyman, malgré le fait d’être né dans le Sud-ouest.
J’ai quelques amis qui sont partis jouer au rugby dans un club d’à côté. Dès mon premier entraînement, je me suis dit “c’est ça que je veux faire”. J’ai rencontré un sport qui valorisait mon physique. Cette relation avec ce sport m’a animé toute ma carrière. J’étais le premier arrivé à l’entrainement et le dernier à partir. Ca m’a permis de développer des aptitudes que les autres ne développaient pas. Même arrivé haut niveau, je voulais confronter mon corps pour savoir jusqu’où il pouvait m’amener.
J’ai eu la chance de comprendre assez vite pourquoi j’aimais ce sport. J’ai trouvé ma place. C’est là où je m’épanouis en tant que personne.
On le voit sur les photos de classe. Les années où je jouais au foot, j’étais un peu recroquevillé sur moi-même. Et l’année où j’ai démarré le rugby, je me suis ouvert. J’avais la tête haute, j’étais fier de mon corps.
C’est plus profond que les aspects techniques du sport qui m’ont séduit. Le rugby, c’est quelque chose qui a su me sentir valoriser, d’accepter mon corps.
Et ce que j’aime dans le rugby, c’est le rapport physique.
Comment fais-tu pour retrouver de la motivation les jours où c’est un peu plus difficile : les jours où ça pique, où il pleut, comment les appréhendes-tu ?
Je viens d’un milieu rural où la vertu du travail a toujours été valorisée. Donc ca a été assez facile pour moi d’appréhender le quotidien parce que j’ai jamais eu le sentiment de me lever pour aller au travail. Car le résumé d’une carrière du sportif, c’est se réveiller le matin pour aller jouer avec ses amis sur le terrain.
Donc cette notion de plaisir, tu l’as vraiment gardée sur le long-terme.
Oui, je me rendais compte que j’avais une chance inouï d’être là. Je me souviens quand je faisais des études de kiné, j’ai fait un stage en hôpital.
Je jouais en parallèle au rugby. En 1997, on a gagné un tournois à Wembley. On avait battu les gallois. On a fait la fête. Le lundi, de retour en stage en service de réanimation, j’ai vu trois personnes mourir. En fait, la concomitance de ces évènements là m’a fait relativiser.
Donc dans les moments de doutes, c’est à cela que je m’exerce : relativiser. Me dire que c’est passager. Je sais que intrinsèquement, je suis toujours amoureux de mon sport. Et je sais que ça reviendra. Mon socle est solide.
Ca ne m’empêche pas bien sûr d’avoir des phases plus difficiles.
Je me suis toujours appliqué, à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective, à ne jamais rentrer dans un cercle vicieux de négativité.
Il y a des sportifs sur ce podcasts qui nous ont dit que plus on avance dans sa carrière de sportif, plus les attentes du public, des médias, et mêmes des proches, augmentent. Soit, ça permet d’engranger de la confiance en soi… soit ajoute de la pression.
Je n’ai pas beaucoup ressenti cela, non. Car ce n’est pas linéaire.
Et il y a beaucoup d’aléatoire. On ne devient champion de France qu’à la dernière seconde du match de final, pas avant. Et donc on est habitué à ce côté aléatoire, et on sait que parfois il y a des matchs qui se jouent sur le rebond du ballon dans un sens ou dans l’autre.
Savoir résister à la pression, c’est un critère pour gravir les échelons. Et donc plus on est résilient à cette pression, plus on avance. Et puis au fond, on ne se prépare pas à être “champion du monde” on se prépare avant tout à gagner un match. Il faut toujours ramener les objectifs à quelque chose de très concret. Cela permet de sortir de la pression. C’est exactement ça, l’expression, “on prend les matchs les uns après les autres”.
En 2008, la finale de la coupe d’Europe, tu dis avoir “raté ton match”, et que c’est le plus mauvais souvenir de ta carrière.
Maintenant je peux en parler. Mais il fut une periode où c’était douloureux. Parce que ça faisait appel à quelque chose d’assez profond. J’ai toujours été capitaine des équipes dans lesquelles je jouais, avec un sens de responsabilité assez fort. J’ai ressenti une culpabilité. C’était difficile.
Guy Noves mon entraineur m’a dit “tu nous as coûté cher aujourd’hui.” J’ai dit, “oui je sais, tu n’as pas besoin de m’en parler.” Une phrase qui a fortement raisonné.
A cette époque-là, as-tu décidé de te faire accompagné ? De parler à quelqu’un ?
En fait, je ne me suis pas attardé dessus, car il y avait d’autres échéances à préparer. En fait tout s’enchaîne donc fatalement, j’ai basculé d’un état d’esprit à l’autre.
Un peu comme dans la vie on va constamment d’objectif en objectif. Ces choses-là nous permettent d’avancer dans la vie, et de ne pas nous appesantir trop sur les échecs qu’on a pu avoir. Je pense que c’est ça, la clé d’une vie heureuse — ne pas s’attarder sur les choses, toujours regarder loin devant, se projeter vers quelque chose, quel qu’il soit.
Tu as dit que pour toi, la différence entre une équipe qui gagnait et une qui perdait, c’est 2% — 2% de passes réussies en plus, 2% de touches réussies en plus, 2% de pénalités en moins.
Ca ne vient pas de nulle-part, on peut l’objectiver. Il y a 10 ans, on disait que statistiquement, pour gagner un match, il fallait avoir 90% de gestes réussis sur le terrain. Et plus récemment c’est 95%. Ca veut dire qu’à 94% on est quasi certains de perdre le match, et à 96% on est certains de le gagner. Donc la différence est bien de 2% de réussite dans les gestes techniques. Mais au fond ce que je veux illustrer par cela, c’est que c’est très peu. Et tout le travail de la semaine qui précède est pour ces 2% . Et c’est cet état d’esprit qui doit animer les sportifs — ces 2% de “mieux”.
Et donc cette recherche, très exigeante, ne vient-elle pas à un certain coût ? N’y a-t-il pas un risque de se cramer à force de vouloir constamment faire ce “petit plus” ?
C’est toute la finesse d’un bon manager, qui met l’accent là où il faut. Car on peut toujours faire plus. Mais au bout d’un moment, effectivement, on finit par cramer le potentiel physique des joueurs. Pour être un bon manager, il faut aussi bien cibler les facteurs de motivation des différents joueurs. Et pour cela, il faut consacrer du temps à la relation, à la discussion.
Est-ce qu’il y a quelque chose d’autre dont tu aimerais nous faire part ?
On a assez peu parlé de la notion de plaisir. Et moi je suis persuadé qu’il y a un sport pour tous les profils psychologiques. Et il suffit d’aller rencontrer son sport.
Même quand on se croit “pas sportif”, je suis persuadé qu’il y a des activités sportives, corporelles, qui permettent de s’exprimer.
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